jeudi 1 mai 2008

Romanesques de Jacques Chardonne

Aimé par François Mitterand, charentais comme lui, Jacques Chardonne 1884/1968, a construit toute son oeuvre autour des rapports du couple. L'homme, la femme, et leurs problèmes, la jalousie, la colère, la résignation, très peu : la révolte. Tout cela dans un style feutré, très début du XX° siècle. Clair, concis, parfois élégant, avec des réflexions profondes, des interrogations. Il regarde dans ce roman, vivre un couple qui s'aime sans s'aimer, pris dans l'engrenage de la vie à deux, de la jalousie imperceptible, de l'amour résigné d'une "jeune" femme de quarante ans qui, après une jeunesse pauvre, mais heureuse, voudrait "vivre" au milieu de "jeunes", dans la fréquentation ambiguë d'un amour platonique. Chardonne est à mille lieues de la réalité, mais son style de narration intéresse, ses esquisses des fleurs, des paysages, de la rivière, sont vives. Cette lecture éclaire sur l'état de dépendance des femmes, à l'époque, avant que l'autre versant du XX° siècle ne leur reconnaisse enfin l'égalité avec les hommes, sur la ségrégation qui séparait le monde des adultes de celui des jeunes. Des jeunes gens voués au service militaire, à l'horizon petit-bourgeois de leurs parents, aux cancanneries de la province. On y apprend que la gare Saint-Lazare leur servait de lieu de rendez-vous, étant situé entre quatre lycées parisiens. On y apprend aussi que les appartements de la place Dauphine, dans l'île de la Cité, avaient peu de valeur. Que les livres se vendaient mal, que le succès pour un éditeur ou l'échec, était, comme de nos jours, un imprévisible mystère. L'auteur est aussi celui des "Destinées Sentimentales" dont Assayas a tiré un très beau film avec d'excellents acteurs, dont Charles Berling. Jacques Chardonne décrit le crépuscule d'une petite-bourgeoisie qui sera plongée dans les tourments de la Seconde Guerre mondiale, l'Exode, l'Occupation, la Résistance, la Shoa, et sera définitivement emportée par la jeunesse de Mai 68.

16/20

Henry Zaphiratos

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