«Je suis né de ce traître, il m'a légué son nom, son œuvre, sa honte.» Ainsi Dominique Fernandez parle-t-il de son père, brillant intellectuel de gauche devenu collabo en 1940.L'"enfant terrible" pourrait-être le sous titre à ce livre très intéressant. "Enfant terrible" par sa vie avec son épouse, les siens, le monde littéraire et intellectuel qu'il fréquente dans les années de l'entre-deux guerre. Parrainé par Marcel Proust,il entre dans le giron de l'intelligentsia de l'époque, et mène une vie brillante entre l'alcool, les rutilantes bagnoles, les soirées, les dîners, les vernissages etc. de la vie parisienne, rive gauche. Dans cette fantastique et dramatique époque où l'on voit naître, s'épanouir et exploser les idéologies meurtrières du marxisme-léniniste (1917), du fascisme mussolinien (1921) du nazisme hitlérien (1931/1933), la France est divisée en deux. Les tenants intellectuels de la gauche révolutionaire ou parlementaire, les tenants de l'ordre bourgeois et parlementaire. la gauche contre la droite. La première se coupant en deux(1921-Congrès de Tours) entre communistes et socialistes pacifiste(Blum), la seconde se clivant entre légitimistes nationalistes(Action française, camelots du roi à relent dreyfusard(Maurras),et républicains, radicaux et radicaux-socialistes, pacifistes(Briand : Plus jamais la guerre!)
Ces deux courants sont unanimes, en 1940, dans la guerre contre l'Allemagne hégémonique et nazie.
A la défaite de 1940, les cartes se redistribuent: se forment : le front des libéraux-républicains-nationalistes, et le front des collaborateurs(qui va capter le pouvoir avec Pétain, en l'affublant de "Etat Français") et qui va réunir tous ceux qui haïssaient le régime républicain parlementaire et l'idéal de 1789. De ce clivage on verra des transfuges passer d'un camp à l'autre. Ramon Fernandez fut de ceux-là,plongeant avec Drieu La Rochelle, Brassillach et d'autres dans la collaboration meurtrière, tandis que d'autres ralliaient le camp de la Résistance et de la lutte à outrance aux côtés des Alliés.
Ramon Fernandez joue sa vie dans l'illusion, en suivant, dès avant guerre, Doriot, ex-député communiste, dans le P.P.F. qui sera à la base de la Milice vichyssoise.
Terrible dérive, pour un "enfant terrible", qui a connu, fréquenté, des esprits éminents, comme Gide, Mauriac, Malraux etc., écrit des livres importants.
Comment cet homme de tous les dons a-t-il pu sombrer dans une telle ignominie ?
Participer indirectement peut-être, mais participer quand même, par ses écrits, aux atrocités nazies.
Dominique Fernandez a écrit le livre de son père, comme Dominique Jamet dans "Un Traître", a écrit sur son père.
Celui de Dominique Fernandez est imposant, fouillé, archivé, dramatique. Un ouvrage de référence pour cette période, comme "Les Mémorables" dans son genre, de Maurice Martin du Gard.
Le style est clair, "code civil" comme l'aimait Stendhal.C'est une oeuvre de magistrat instructeur douloureux,mais d'une beauté triste.
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