A cette date de l'an 8 :
-Jésus a 8 ans, et vit à Nazareth.
-Auguste règne sur l'Empire romain.
-Ovide, qui a écrit "Les Métamorphoses" et l'"Art d'Aimer" a été exilé par l'empereur à Thomes, l'actuel Constantza en Roumanie, sur les bords de la Mer Noire, appelée à cette époque en grec le "Pont-Euxin",ou "La mer accueillante".
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Extraits de lettres-poèmes qu'il envoie à son épouse, à Rome.
Lettre III Livre I
"Ma dernière nuit à Rome,
Cette nuit sinistre
Où j'ai quitté tout ce que j'aimais.
J'y pense,
Je pleure.
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Ma femme m'étreignait en sanglotant
Et je pleurais entre ses bras,
Les larmes coulaient sur ses joues pures.
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Elle priait à en perdre haleine,
Elle sanglotait en parlant,
Prosternée devant les dieux de notre maison,
Les cheveux en désordre,
Elle baisait la cendre
Et elle tremblait de tout son corps.
Nos dieux restaient indifférents et froids.
La nuit avançait,
La grande Ourse tournait dans le ciel.
Je ne pouvais m'arracher à ma femme,
A ma maison, à Rome, à ma terre.
Je ne pouvais croire que cette nuit serait
La dernière.
Inquiets, mes amis me pressaient,
"Mais regardez tout ce que je quitte,
Et où je vais !"
J'allais sur le seuil de la maison, puis je revenais,
Je disais adieu, et je recommençais à sortir et à
rentrer
J'embrassais sans fin.
Comme mon coeur,
Mes jambes refusaient mon malheur,
Je faisais sans cesse d'ultimes recommandations
En regardant tout ce que j'aimais,
A la fin j'ai craqué :
"On m'expédie chez les barbares Scythes !
Je quitte Rome !
Comment pourrais-je partir le coeur léger ?
On m'enlève à ma femme,
On m'arrache, plein de vie, à ceux qui m'aiment!
Chaque instant est un trésor,
Chaque baiser une vie,
Vous que je n'embrasserai jamais plus!"
Vénus se leva dans le ciel,
J'étais déchiré.
C'était comme si j'abandonnais mon âme
Entre ces murs.
On hurla autour de moi
On se frappa la poitrine,
Ma femme éperdue m'agrippait,
"Je pars avec toi
Je ne peux pas vivre sans toi.
César te chasse, moi, c'est mon amour
qui m'enverra au bout du monde."
Je suis sorti,
Ou plutôt on m'a porté dehors,
Ma femme s'est effondrée sur le sol.
On m'a dit qu'elle s'est vue dans les ténèbres.
Revenue à elle,
Les cheveux couverts d'une horrible cendre,
Elle se relève,
Pleure sur son malheur
Sur son mari perdu
Son foyer brisé
Elle gémit comme si elle nous voyait
Notre fille et moi
Morts
Sur un bûcher funéraire.
La mort,crie-t-elle, plutôt qu'un tel malheur!
Mais elle n'est pas morte,
Elle vit pour moi,
Pour tenter de me sauver,
Pour implorer mon retour.
Lettre III Livre III
En ouvrant cette lettre tu seras étonnée
de ne pas reconnaître mon écriture.
Je suis malade, malade au bout du monde
Je ne savais si je vivais ou non.
Quelqu'un qui sait les lettres écrit sous
ma dictée.
Tu me demandes comment je vais ?
Je vis perdu dans un affreux pays
Parmi les Gètes et les Sarmates
Mets-toi à ma place,
Imagine l'état dans lequel
Je suis.
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Pas d'ami,
Personne à qui parler.
Des heures sans fin,
Une fatigue sans fin,
Une peine sans issue
Je suis perdu aux confins de l'humanité,
Je me meurs au fin fond du monde,
Et je vois tout ce que j'ai perdu.
Toi surtout,
Je te vois,
Je t'enlace
Je te parle, absente,
Je t'appelle.
Tu viens me voir chaque nuit,
Chaque jour.
Tout me hante,
Toi surtout!
Emporté par une fièvre intense, j'ai prononcé
De folles paroles,
On m'a dit que ton nom
Revenait sans cesse.
Et si j'étais encore dans le coma,
Et si un alcool brûlant m'était versé
Par quelque esclave dans la bouche
Ne me réveillait pas,
Ces mots "Elle arrive"
Me feraient revenir à moi.
L'espoir de te revoir me remettrait sur pieds.
Mais dans les pires instants
Je me dis que tu es heureuse
Pendant que je me meurs ici.
Non, je me trompe,
Pas toi !
Je le sais,
Pour toi aussi
C'est terrible.
Ai-je accompli mon destin ?
Est-ce cela ma fin ?
Mourir ici, et ne pas être enterré chez moi ?
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Je ne mourrai pas sur notre couche
Tes larmes n'apaiseront pas ma dernière soif
Personne ne pleurera sur ma dépouille,
Personne ne prendra mes dernières volontés,
Une main étrangère fermera mes paupières
Rien, Inconnu, Oublié
Je disparaîtrai dans cette terre sauvage.
Tu pleureras
Tu te frapperas la poitrine,
Tu tendras les mains vers le Levant
Et tu crieras mon nom perdu.
Mon amour, ma lumière,
Ne te griffe pas les joues
N'arrache pas tes cheveux,
J'ai disparu, le jour où l'on nous a séparés
Oui, je suis déjà mort.
La mort la plus terrible je l'ai vécue.
Cela ne te consoleras pas, je sais,
Mais dis-toi que ma mort
Mettra fin à mes souffrances.
Sois vaillante
Cela me console un peu.
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Fais revenir mes cendres dans une petite urne
Pour que j'échappe à l'exil, mort.
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Mêle mes cendres aux feuilles et à la cardamone
Enfouis-les en secret hors de Rome,
Et mets quatre vers sur une plaque de marbre
En gros caractères,que le passant lise :
"Ci-gît le poète des amours tendres
Ovide, dit Nason, perdu par son talent,
Toi qui connais l'amour et les doux sentiments
Aies un mot pour le repos de mes cendres."
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Mon nom passera les siècles
Mais toi,
Toi, mon amour,
Tu mettras sur ma tombe,
Au neuvième jour de deuil
Les offrandes des Féralies.
Et puis viens souvent,
Dépose des guirlandes de larmes,
Mes cendres sauront que tu es là.
Ma voix s'altère,
Ma bouche se dessèche,
Je ne peux plus dicter,
Et je voudrais tant te parler encore...
Adieu, mon amour,
Si ce sont mes derniers mots,
Ils sont pour toi
Adieu, ma lumière,
Moi, dans la nuit.
Lettre V
"L'anniversaire de ma femme.
Mes mains se chargeront des rites habituels
Ulysse a lui aussi célébré l'anniversaire
de Pénélope, à l'autre bout du monde.
Mes lèvres pourront-elles t'offrir mes voeux,
Elles qui ont désappris le bonheur?
Je mets cet habit que l'on porte une fois l'an
D'une blancheur si différente du blanc de mon destin.
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Regarde, la fumée de l'encens vole vers toi,
En Italie
Vapeurs et flammes t'apportent mes pensées.
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Tu es née le même jour qu'Andromaque et Pénélope
Ce jour a vu éclore ta pudeur,
Ta droiture et ta fidélité,
Mais au lieu de joie en retour
Tu as le chagrin et l'angoisse.
Sort indigne de toi !
J'entends ta plainte dans le lit vide
Soupir des femmes presque veuves.
Dieux et toi, César, qui les rejoindra
Epargnez-la,
Elle a mal
Et c'est de ma faute.
Lettre XI
"Tu te lamentes dans ta lettre de ce type
qui t'a traitée de femme de proscrit !
Cela me fait mal, non à cause du mépris
-un peu plus, un peu moins-
mais de celui qui retombe sur toi.
Je voudrais tant que cela te soit épargné.
Quand je pense, mon amour, que tu as à avoir
honte de ma faute.
Courage!
Tu as eu à subir pire que cela
le jour où la colère d'Auguste nous sépara.
Il m'a traité de "proscrit"
ce misérable !
Ma plus lourde souffrance fut
de peiner César.
J'aurais préféré mourir.
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Qu'il la ferme celui qui m'a traité
de proscrit.
Ce mot infâme aggrave mon malheur.
Traduit librement par Henry Zaphiratos
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