mardi 3 décembre 2013

La Récréation, de Frédéric Mitterrand, Robert Laffont Edit., Journal de l'imposture gouvernemental, 722p. 24€

Un chef d'oeuvre ! « La Récréation » de Frédéric Mitterrand. D'une lecture facile, légère, d'un style vif, incisif et gai, d'un Rastignac qui regarde son monde avec ironie.
L'auteur met à nu les demandes de prébendes, les organisations administratives du ministère, l’imposture, le copinage, tous les rouages d’un système basé sur les subventions, les relations, les pressions, les haines, les interventions de ceux qui se connaissent, un réseau étendu, tentaculaire, des mailles de filet tendus pour protéger les pêches, pisciculture de l’argent public pour un vivier de profiteurs, de protégés. Au détour d’une page, un appel au secours de Bertrand Tavernier au ministre pour un budget défaillant à cause de la disparition d’un producteur, alors à l’Etat, à l’Aide au cinéma etc.
Le monde clos de ceux qui sont bien placés, qui posent leur pion, défendent leur poste, leurs avantages, en veulent plus, lorgnent des occasions, parfois se nichent dans des appartements inconnus somptueux de l'Etat sans aucun titre, ni autorisation (page 55), des surprises en surprises… Des annotations d’un observateur à la Saint-Simon, sur les courtisans, le président, le premier ministre, ses collègues d’un moment, à l’acide, au décapage, à la mise à nu du ballet des ambitions d’une république malade, suffocante, qui traîne des boulets de plomb de la gabegie.

Un témoignage affolant et peu ragoûtant d’une caste à tous les niveaux du pouvoir, Gauche-Droite-Sans étiquette- confondus. La description d'une chasse à courre pour les places et l'argent dans les allées du Pouvoir.
Une phrase terrible échangée entre l'auteur et Sarkozy, président de la République "Oui je sais que ce type( Alexandre Allard) a sans doute gagné plus d'argent que nous n'en  aurons jamais ni toi ni moi !" page 35. Ce qui signifie la fin du prestige, de la grandeur présidentielle, fin de la notion du service de l'Etat, de la République. L'Argent plus fort que tout, au-dessus de tout, au-dessus de la France, pays à l'encan... D'une tristesse insondable. Deux mille ans d'histoire, de souffrance, de grandeur, de défaites et de victoires pour aboutir au veau d'Or. Comme disait Yves Montand à Louis de Funès dans "La Folie des grandeurs" de Gérard Oury "-Monseigneur, c'est l'Or,Monseigneur c'est l'Or de vous réveiller..." .Mais il s'agit ici d'un pays, de notre pays, de la France.... 
Une notation curieuse et révélatrice :"...l'hétéro de base, espèce à vrai dire menacée dont on rencontre encore des spécimens dans la fonction publique..." page 45. Serait-ce à penser, suivant l'auteur, que la fonction publique se fermerait aux hétérosexuels ?  Etrange...

Un écrivain et un intellectuel lucide.

A lire et à méditer.
19/20
Hermès  

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