"Long téléphone de L.
Heureuse de
me parler, la « jeune-vieille ». Le poids fantastique de l’enfance, de l'adolescence.
Dès que l’on se parle, s’entend, le cœur, le cerveau courent plus vite, se
retrouvent, retrouvent les sensations, les rues, les places, la plage, les
regards riants, les colères homériques, les robes d’été, le parvis de la
cathédrale, la robe de communion. C’est un enchaînement sans fin de joie, de
tendresse. Nous crions, nous hurlons, nous sommes heureux ! Nous avons été
heureux !
Elle me dit son aversion, son étonnement
pour les massacres de l’Europe sous les bottes allemandes. Elle me dit
l’allergie que sa fille, qui n’a rien connu des guerres, qui est toute
jeune par rapport à ce siècle évanoui, éprouve au seul son d’un parler
allemand, cela lui provoque des crises d’eczéma. Etrange, étrange ! La peur
d’un nouvel ensorcellement, d’une nouvelle tragédie. Elle me dit ne pas
souffrir la musique des cuivres triomphants des Mahler, Wagner, et autres Berlioz.
J’essaie de lui parler de Mozart, elle n’est plus là, elle évoque les musiciens
d’Asie, leur musique tirée du seul bois. Elle est ailleurs. Elle est à D, dans les forêts de D.
dans ses dix huit ans."
Extrait "La vie de Milley Brose"
HZ.
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