Dans les six cent cinquante romans que l'on nous annonce pour cette rentrée éditoriale, ce livre se fait remarquer par la force de la noirceur qui s'en dégage. L'auteur décrit d'un style vif plusieurs rencontres, plusieurs destins de "pommés" qui ont été jetés dans la vie sans aucune structure de vraie personnalité. Des êtres qui se débattent dans le blocage de leur existence, avec au fond d'eux une sorte de désespoir poignant. Où sont passés leurs géniteurs, leurs profs, le cadre de leur vie d'enfant, d'adolescent ? Nulle part. Ce sont des êtres de nulle part, dans ce monde du XXI° siècle brutal, égoïste. Louis-Ferdinand Céline, l'auteur d'Un voyage au bout de la nuit a peint ce monde terrible du début du XX siècle, sortant de la Grande Guerre, mais son personnage avec une force de révolte, révolte psychologique et littéraire, ici tous les personnages subissent leur sort, atteints psychologiquement, ils se sentent perdus dans leur complexité et la complexité du monde. Ils fuient , ils se fuient. L'héroïne du van, fuit son couple, son petit garçon Thibault, pour s'engager dans l'armée qui l'envoie en Afghanistan comme infirmière militaire... pour pouvoir envoyer les 3.000 € de sa solde tous les mois à son mari chômeur qui s'occupe de l'enfant... Elle revient de Kaboul traumatisée fuit son couple, rencontre un ancien champion olympique du saut à la perche désespéré de n'avoir pu se reconvertir après son triomphe, un fils de harki, Abbès, pommé entre petits boulots et drogue, une jeune femme qui travaille dans un supermarché, .... un petit monde dans l'univers du Sud-Est de la France, terne, bloqué, où l'amour, les parties amoureuses se font à travers des libidos à réveiller sans trop de conviction que des soulagements physiques provisoires. Un drame, une désespérance continue.
Le roman pourrait faire un film brutal et noir, d'où, avec un réalisateur de talent ou de génie, percerait l'humanité profonde d'êtres perdus comme des orphelins privés d'amour, d'instruction, de soins, dans une France aux hommes politiques indifférents et méprisants. Des Sans-dents au milieu des Sans-coeurs des quarante dernières années.
14/20
Hermès
Serge Safran Edit. rue du Cherche-Midi- Paris 6°
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