Céline a mis 5 ans pour l’écrire. Il y a consigné sa jeunesse cueillie par la guerre de 1914, et le tourbillon de vie qui en est résulté dans ses pensées, sa façon d’être. L’anti-bellicisme plutôt que le pacifisme, qui l’a hanté. Ce que l’écrivain, l’intellectuel ressentait, ne devait pas interférer dans le jugement des hommes politiques de son temps qui portaient le poids de la responsabilité de la guerre et de la paix.
Sa description du bateau transportant sa cargaison de militaires, d’administrateurs, et de leurs femmes vers le Congo…
La description du Congo en 1915 ou 16, par Céline est vivante dans sa caricature car la vie y circule à flots. En un siècle le continent africain s’est transformé, ses élites sont brillantes. Il y a eu osmose entre l’Afrique et la France. Le sang et l’esprit ont circulé d’un pôle à l’autre.
Citation :
«…C’est l’âge aussi qui vient peut-être, le traître, et nous menace du pire. On n’a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie, voilà. Toute la jeunesse est allée mourir déjà au bout du monde dans le silence de vérité. Et où aller dehors, je vous le demande, dès que l’on a plus en soi la somme suffisante de délire?»
Continué le « Voyage » dans la partie New-York-Lola-Detroit-Molly et retour en France… médecine, doctorat et banlieue. Rythmes, réflexions acides, désespérance dans la course dans un tunnel. J’aime jusqu’à Detroit, et un chapitre sur le retour en France, avec des fulgurances littéraires et une pensée corrosive. Après… le misérabilisme, la lâcheté, la bêtise pour un intello comme son personnage de Bardamu, ça ne tient pas la route, et puis des redites, des insistances... Si on insiste la cathédrale s’écroule. Alors j'ai préféré m'arrêter, et abandonner la banlieue, Robinson, le couple Hérenville, Bébert etc.
Une symphonie caricaturale et carnavalesque tragique.
Un univers de désastre, apocalyptique, où l’homme erre dans l’absurde, avec une écriture percutante. Préfiguration des films comme «Mad Max»
A noter que dans son Journal du 7 décembre 1941, Ernst Jünger qui rencontre Céline à l’Institut allemand de Paris occupé, écrit : « Il y a chez lui ce regard des maniaques tourné en dehors qui brille au fond d’un trou. Pour ce regard aussi plus rien n’existe, ni à droite, ni à gauche, on a l’impression que l’homme fonce vers un but inconnu. »
Mais écriture puissante qui grimpe au ciel.
Bonheur de le relire.
Henry Zaphiratos
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