Laurent Terzieff, ou l'incandescence de soi. Il fait irrésistiblement penser à Sacha Pitoeff pour la passion du théâtre. "Etre autre", à chaque rôle, et "soi" en permanence. Il fait aussi penser à Arthur Adamov pour le regard profond qui "voit" au-delà. Alain Cuny, qui avait la voix grave et mélancolique, était son contraire. L'un avait la force, Laurent, lui, la conviction de la fragilité, et de la pensée qui court au-delà des limites de notre être. On craignait toujours pour lui, tant il vivait au bord extrême de l'oeuvre littéraire, voulant révéler le secret ultime de l'auteur. Celui qu'il a caché derrière ses mots, et que Laurent retrouvait soudain dans des inflexions graves, des temps morts, où la parole du silence compte. Dans les films, il a "joué" d'être ce qu'il était, le jeune homme blessé, sans amertume, mais avec cette distance aux êtres et aux choses de la vie. Il n'avait pas la fulgurance grave de Gérard Philip, ni le charme ravageur des jeunes premiers comme Alain Delon, Jacques Charrier, mais la délicatesse à la douce-amère de Tchekov, et parfois le ronflement de la brutalité des personnages dostoievskiens. Il faut espérer qu'à l'ère des caméras portatives, tout ce qu'il a joué ou fait, soit là, comme un témoignage essentiel de la sainteté et de la puissance de son théâtre, qui est le révêlateur de nous-mêmes, bouffons de nous-mêmes, césars de nos désespoirs. Incandescence de soi, de nous.Il était cela, portant le poids des tribulations et misères d'un siècle rouge et noir.
Henry Zaphiratos
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