"Barbara Thill:Quand j'ai lu, au lycée, "La pitié dangereuse", j'ai été foudroyée, littéralement (c'est le cas de le dire). Mais plus encore que par la beauté des phrases, c'était par leur justesse. Il me semblait nécessaire de pouvoir connaître ces sentiment in vivo pour les décrire aussi bien, avec autant de force, de réalisme, de clairvoyance. Je me suis empressée de lire ses autres ouvrages... et j'ai vite compris qu'il n'a pas pu vivre tout ce qu'il décrit. Mais il sait le décrire, et comment. C'est une partie de sa séduction ; sobriété mais force, sentiments mais pas de niaiseries, la justesse plus que le réalisme. On sent, on sait intimement que "c'est comme ça, exactement", et en fait il n'est pas nécessaire de le vivre, même si la situation n'a jamais existé, elle est vraie. Zweig est un psychologue d'une extrême finesse ; sa prose épouse si subtilement son sujet qu'il apparaît dans ses moindres aspects. Freud ne s'est pas trompé, il admire Zweig sans réserve : son amitié avec lui a duré plus de 3O années, et il estime que Zweig est maître dans l'art de comprendre les autres. Comment ne pas se souvenir que "dans la plupart de nos actes, la vanité joue à coup sûr un rôle des plus importants et les natures faibles succombent plus facilement que les autres à la tentation de faire ce qui a l'apparence de la force, du courage, de la résolution" ou que "le pire de ce monde ne résulte pas toujours de la méchanceté ou de la violence, mais plus souvent de la faiblesse" ou qu' "aucune faute n'est oubliée tant que la conscience s'en souvient" ? Zweig, un maître dans l'évocation des réalités les plus sombres, les plus troublantes, les plus cachées, mais sans jamais exercer de violence sur le lecteur, sans hypocrisie, en disant tout, et en toute beauté."
- Votre analyse est très juste. On pourrait ajouter que c'est un être fraternel, très proche du lecteur. Il n'est pas alambiqué, ou froid, "distancié" comme beaucoup d'écrivains. Il rentre au coeur des êtres, s'assied près de vous et vous raconte ce qu'il a ressenti. Il y a toujours du rythme chez lui. "le monde d'hier..." est un chef d'oeuvre. Il s'est suicidé avec sa femme, désespéré, chassé de chez lui, comme tant d'autres, chassé d'Angleterre qui entrait en guerre, comme autrichien, sans lecteur, sans argent, au Brésil. Mais toute son oeuvre est là. Henry Zaphiratos
de :
-Gérard Cotton: Merci à vous deux . Ce que je retiens le plus peut-être de ce géant , ce sont les rencontres dans sa maison du Kapuzinerberg , au bout du petit chemin . Une élite exceptionnelle . Il poursuivait un rêve de culture européenne aboutie , s'y conformait , tant celle des débuts du 20 ° était marquée surtout par cette élite juive assez exceptionnelle , il faut bien le reconnaître . Et pourquoi donc le nier . Que serait le parfum des heures chaudes de Montparnasse sans elle ? Rien du tout ! Quelle grandeur incomparable que cette " Ecole de Paris " ! « Nous étions toute une génération, des enfants du heder jusqu'aux étudiants talmudistes, épuisés par tant d'années à la seule analyse des textes. Nous emparant de crayons et de pinceaux, nous avons commencé à disséquer la Nature, mais aussi à nous disséquer. Qui étions nous ? Quelle était notre place parmi les nations ? Qu'en était-il de notre culture ? A quoi devait ressembler notre art ? Tout cela s'ébaucha dans quelques petites villes de Lituanie, de Russie Blanche et d'Ukraine pour se prolonger à Paris. Nos artistes apportent un regard nouveau, un nouveau souffle dépourvu de tout classicisme. De cet arrachement à la religion naît un expressionnisme d'une mélancolie vigoureuse. » Je le dis et le confirme : restons éveillés , surtout pour le legs immense de tous ces virtuoses . Combien le reconnaissent ? Tristesse .
1 commentaire:
J'aime beaucoup ces réflexions de Barbara Thill et de HZ, qui me semblent très pertinentes. Zweig est un auteur extraordinaire, et ils l'ont parfaitement ressenti et très bien décrit. Ca donne envie de le relire et de mieux le connaître.
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