Roger était le fondateur du célèbre cinéma d'Art et d'Essai le Saint-André-des-Arts. Fils d'un restaurateur grec, il avait fondé ce cinéma pour l'amour du 7° art, et avait propulsé et fait connaître de très nombreux réalisateurs et auteurs de films. Il ne s'en tenait pas à un genre, mais à tous les genres, à toutes les subtilités du cinéma d'auteur ou populaire. Un réalisateur inconnu pouvait tenter sa chance et grâce à son flair, son intelligence, sa perspicacité, Roger se lançait, lui aussi, dans la bataille. Il avait créé plusieurs petites salles dans cette très jolie et médiévale rue de Saint-André-des-Arts. Des librairies, des éditeurs s'y sont par la suite installés, suivant sa notoriété. Roger avec sa gentillesse, son regard vif et chaleureux, sa voix douce, mais bien timbrée, sa chevelure légèrement rouquine, sa petite corpulence était le parfait marcheur des Festivals, qu'il arpentait avec joie, montant, descendant les escaliers ou les escalators pour se précipiter dans les salles où se projetaient des films formidables. Tous les films sont formidables par ce qu'ils veulent dire, la somme de travail, d'intelligence, les montagnes d'attention des laboratoires, des décorateurs, des techniciens... Roger respectait et aimait tout cela avec passion. Il avait même confié dans un livre ses idées, ses rêves. Il avait aussi écrit et réalisé un joli petit film "Si j'te cherche, je me trouve" ou "Cours après moi que je t'attrape", un peu ironique, un peu farfelu. Avec tout le monde de l'Art et Essai, il a fait une chaîne pour sauver les films. C'est là que sont nés "Les Arpenteurs" de Michel Soutter, qui a lancé Jean-Luc Bideau, "La Salamandre" d'Alain Tanner, les films que j'ai lancés et distribués : "Les Mâles" du Québecois Gilles Carle, "Le Voyage des Comédiens"," Jours de 36" de Théo Angelopoulos, "Va travailler vagabond" du Brésilien Hugo Carvana, "Sweet Love" de l'Américain Eduardo Cemano, "Les Idoles", "Les Nymphettes"... et tant d'autres films, dont ceux d'Emir Kusturica,de Raymond Depardon, Ken Loach, Wim Wenders... Roger ne songeait qu'au cinéma. Il ne songeait qu'au nombre d'entrées, qu'aux fauteuils occupés pour être sûr qu'un beau film tiendrait deux, trois semaines, ou cent, deux cents semaines. Et puis, il reprenait les films qu'il aimait, et qu'il voulait offrir aux centaines de milliers d'étudiants, d'intellos. C'était la "Nouvelle Pagode", le temple du cinoche. "le Chien andalou" a fait des petits, et Roger les a propulsés vers l'avenir.
Voilà, il est parti. Je ne pourrai plus parler avec lui de films, de livres, je ne pourrai plus lui envoyer les miens, je ne pourrai plus déjeuner avec lui, voir son regard merveilleux et tendre, son sourire captivant. Roger, tu restes dans mon coeur. Roger, mon ami.
Henry Zaphiratos - lecturepourtous.blogspot
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire