mercredi 2 décembre 2009

Le Lys dans la vallée, d'Honoré de Balzac, 1836

Le roman de la noire hypocrisie. Félix beau jeune homme promis à un bel avenir tombe fou amoureux sur un irrésistible "baiser volé" sur le cou d'une ravissante inconnue lors d'une réception pour le passage du duc d'Angoulême à Tours. Il retrouve la belle inconnue, la comtesse Mortsauf mariée à un vieil aristocrate irascible et stupide. Ceux-ci l'accueillent dans leur château de Clochegourde(sic)pas loin d'Azay-le-Rideau, en Touraine. Descriptions majestueuses de ce pays où Balzac est né et dont il restitue les odeurs et les bruits avec passion. La comtesse est baptisée "Henriette" par le jeune homme. Ce qui est étrange c'est que le mari ne "voit" pas l'attachement sentimental qui unit sa femme et Félix, ou complaisant et cynique, feint de ne rien voir car, mère de deux enfants, confite en religion,il devine qu'elle s'abandonne au plaisir délectable de ne pas céder à la passion charnelle qui la mine, et joue au sublime sacrifice.
Félix n'insiste pas trop,et rencontre Arabelle, Lady Dudley,dans les salons de la Cour, et découvre avec elle l'amour physique total. Mais son coeur reste attaché à Henriette qui apprend cette liaison et en est bouleversée.
Arabelle à Félix:
"-Je ne te reproche pas tes goûts, tu en aurais de plus dépravés que celui-ci, je tâcherais de m’y conformer ; car je veux te faire trouver près de moi tout ce que tu aimes : plaisirs d’amour, plaisirs de table, plaisirs d’église, bon claret et vertus chrétiennes. Veux-tu que je mette un cilice ce soir ? Elle est bien heureuse cette femme, de te servir de la morale ! Dans quelle université les femmes françaises prennent-elles leurs grades ? je ne puis que me donner, je ne suis que ton esclave-" p.321.
Balzac dépeint avec profondeur et génie une drôle d'époque où les femmes étaient considérées comme des pécheresses innées, ainsi cette phrase de la page 360 : "Les flots de l'air adouci jetèrent par ondées les tintements qui nous annonçaient qu'à cette heure la chrétienté tout entière répétait les paroles dites par l'ange à la femme qui racheta les fautes de son sexe. Ce soir l'Ave Maria..."
Les acteurs de la Comédie Humaine comme l'abbé Birotteau rôdent déjà là.
Une oeuvre ample, profonde, d'une écriture superbe, une richesse d'invention à chaque ligne.
Balzac a écrit puis corrigé, puis ajouté des passages, et ceci pendant près de huit ans de 1836 à 1844.

Henry Zaphiratos

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