dimanche 25 octobre 2009

De la séduction littéraire, de Florence Balique, essai, aux PUF, 2009

Un livre qui arrive bien et pourfend les fausses valeurs littéraires charriées par des "élites" intellectuelles, qui ont élevé des murs de "tabous" pour défendre ce qu'elles estiment leur appartenir : toute la critique et la domination sur ce qu'il "faut" écrire, et comment il faut "écrire", et qui utilise une langue "codée" faites de formules abconses et pédantes.
Florence Balique a cette formule brillante : "Et si le livre vous laisse indemne, à quoi bon lire, gaspillage d'heures précieuses, étrange activité qui vous cloue dans un fauteuil, vous extrait du temps, vous arrachant au mouvement vital."

Aussi l'auteure ne conseille que ce qui est le plus évident, à savoir, penser par soi-même "seul,ou entre esprits curieux destinés à s'ouvrir, non à se montrer ni à tenir salon."
J'ajouterais : aller au livre qui me plaît, jeter celui qui me fatigue et me fait perdre mon "précieux" temps, refuser les conseils "marketing" du libraire ou de la publicité, en un mot: être un esprit libre de mes choix et de mes désirs de lire.H.Z.

dimanche 18 octobre 2009

Le Festival de la Couille et autres histoires vraies, de Chuck Palahniuk, Denoël Editions, 2005, 300 pages

Ce livre, composé de différentes petites nouvelles publiées dans différentes revues américaines,décrit avec talent une certaine Amérique, une Amérique du vide, de destins brutaux, de moeurs bizarres, typiquement locales. Dans cet immense empire
mille façons de vivre coexistent, mais l'étrange, le fantastique, le burlesque, le tragique semblent être à tous les coins des blocks, sur tous les vols, sur toutes les autoroutes. Partout l'insolite peut vous sauter dessus. Et c'est au travers d'un tel livre que l'on peut mesurer ce qui sépare les Etats-Unis des autres nations. Aux Etats-Unis tout semble possible dans l'extravagance, la dureté, la passion pour quelque hobby : combat de moissonneuses-batteuses, de catch pour se "refaire" les oreilles afin d'en "être", de gonflette, déguisements fous etc. Tout cela pour "exister". En lisant ce livre nous sommes loin de l'Europe, de l'Asie, de l'Afrique, du reste du monde.
Un univers proche du vertige.

vendredi 16 octobre 2009

Sur l'extrait de "La Mauvaise Vie" de Frédéric Mitterand, publié par "Le Monde" le 8-10-09, Robert Lafont Ed.

Je n'ai pas lu ce livre.
J'ai lu l'extrait que publia "LE MONDE" le 8 octobre 09, avec l'autorisation de l'éditeur.
Dans cet extrait M. Frédéric Mitterand se révèle comme un excellent reporter. Il a le coup d'oeil juste, l'expression facile. La narration de ce qu'il a vu et vécu est vivante.Ce qu'il écrit est un reportage sur le bar, l'hôtel borgne, la chambre de passe d'un quartier chaud de Bangkok qu'il a fréquentés. C'est étonnant que cet extrait n'ait pas été cité, ou mentionné, dans les critiques qui ont paru lors de la sortie du livre, peut-être pour l'encenser ? Ce qui prouve que les critiques, qui sont payés pour, ne lisent pas les livres. La seule note de l'auteur ou de l'éditeur par son attaché de presse, à reproduire, leur suffit.
Quant à l'extrait de "La Mauvaise Vie" de Frédéric Mitterrand, que dire ? C'est d'une tristesse sans borne. Tristesse pour le propos, tristesse pour ce monde que décrit l'auteur, pour cette chasse perpétuelle d'un autre corps, de n'être plus soi-même.

jeudi 15 octobre 2009

EXTRAIT "LA CONJURATION DES ANGES" htz-Athéna Ed. 430p. 22€ - henrizaphiratos@orange.fr

"Le professeur Suchnick poireautait là depuis quarante-huit heures. Pour déjeuner et dormir, le responsable du service administratif l’avait logé dans une petite pièce aveugle où se trouvaient un petit bureau et un divan empire. De temps en temps un garde républicain venait s’enquérir de ses desiderata. Il demanda un jus d’orange, un valet en habit le lui porta sur une table roulante, avec des amuse-gueule.
Mais Suchnick en avait marre. Il lui avait été notifié l’interdiction de communiquer avec l’extérieur. On le gardait au chaud pour le président.
Il se souvint avec indignation du « fourguez-moi ce type chez le Président, j’ai d’autres chats à fouetter que ces histoires d’anges ! » du ministre. Et, on l’avait conduit à l’Elysée.
Il était furieux en songeant à ses travaux abandonnés. Il se demandait si ses domestiques Arlette et Gaston s’occupaient bien du professeur Wasnier et de son assistante, à la Reynie ? Ce week-end avec ses amis était fichu. Suchnick remuait ces mornes pensées quand la porte s’ouvrit. Il était 22heures, ce lundi 10 avril quand un garde républicain lui demanda de le suivre.
Le garde toqua à une porte.
« Entrez !»
C’est la femme du président de la République qui l’accueillit.
-Cher professeur, veuillez nous excuser de vous avoir fait tant attendre, dit-elle.
Suchnick se confondit en profonds salamalecs.
-Professeur, puis-je vous demander que notre entretien reste secret ?
-Madame, j’aurai tout oublié dès que j’aurai franchi le seuil de cette porte.
-Je vous en remercie, monsieur le professeur. Voici pourquoi nous vous avons demandé cette entrevue. Le président fait depuis plusieurs nuits le même rêve. J’ai contacté, discrètement, plusieurs oniromanciens et onirologues.
Chacun en a eu une interprétation très différente aussi je voulais votre opinion.
-Mais, madame, je n’y connais rien en matière de divination de rêve. Depuis la nuit des temps on cherche à les déchiffrer, mais c’est en vain. Les rêves gardent leur secret.
-Monsieur le professeur, il s’agit d’ange, et ma fille m’a appris
que vous travailliez actuellement sur ce thème.
-Mais ce n’est qu’une étude à partir de légendes et de mythes religieux sur la Métamorphose des Anges.
-Mais la part du vrai et du faux ? La part du réel et du surnaturel ?
-Comment le savoir, madame ?
-Mais vous vous êtes bien fait une opinion ? Je sais ce qu’il y a d’incongru à notre époque que de penser que tout cela peut interférer sur nos existences. Mais les faits sont là, et ils sont troublants. Le Président depuis plusieurs semaines est visité dans son sommeil par un être qu’il ne peut définir, homme ou femme, androgyne ? Celui-ci l’observe en silence. Mais dès que le Président tente de l’approcher pour l’interroger, l’être se dérobe, et brusquement vient sur lui et se fond en lui.
Et fait troublant, mon mari prétend que la semaine dernière, jeudi dernier exactement, un jeune mi-homme, mi-femme, disons un androgyne, très élégamment vêtu est entré dans son bureau et s’est entretenu avec lui un long moment sur un sujet dont il ne se souvient plus, mais qui lui paraît avoir un rapport avec ce songe. Le Président, fait étonnant, n’a pas été surpris par cette visite. Il m’a même dit qu’il l’attendait ! Puis, cet entretien achevé, il l’a raccompagné jusqu’à la porte de son bureau, et l’androgyne a disparu tout d’un coup.
Ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que lorsque le Président a demandé à sa secrétaire le nom de ce visiteur, celle-ci lui a répondu qu’elle n’avait vu personne ! L’agenda du président ne mentionnait pas cette visite. Enquête faite auprès du chef du cabinet, du chef du protocole et du colonel de la garde, personne n’était venu ce jour-là, à cette heure-là !
Le lendemain, le Président recevait une lettre mystérieuse…
-Signée Uriel et Nouriel.
-Comment le savez-vous ?
-C’est le préfet qui est venu me chercher qui…
-Voilà comment on divulgue un secret d’Etat ! bondit la présidente.
-Mais je n’en connais pas la teneur, la rassura Suchnick.
-Venez ! lui dit-elle.
Le regard de Suchnick se fixa sur les élégantes chaussures de la présidente pendant qu’il la suivait à travers les salons.
-Lequel de vos collaborateurs a été dire, urbi et orbi, que vous aviez reçu cette missive signé Uriel et Nouriel ?
Le président de la République se retourna surpris par l’irruption de son épouse.
-Monsieur le professeur Suchnick vient de me l’apprendre ! Lui-même en a été informé par le préfet envoyé à sa rencontre.
-Mais je tombe des nues ! Qu’est-ce que c’est encore que cette histoire ? Le président se leva brutalement et se dirigeant vers la porte-fenêtre donnant sur le parc, comme il en avait l’habitude lorsqu’il était saisi d’une grande agitation.
-Ah, ils vont en faire des gorges chaudes au Canard enchaîné !
-Le Canard enchaîné vous n’avez que ce titre là, à la bouche ! Mais où est la sécurité de l’Etat ? Nous n’avons pas encore
déchiffré ce message qu’il va être révélé au public, intervint la présidente.
-Il faut empêcher ça !
Le président appela le ministre de l’Intérieur au téléphone.
-Merci pour la discrétion ! Dis-donc, quel est le con que tu as envoyé pour chercher cet expert en ange…ge… ?
-Angelologie, souflla Suchnick.
-Angelolographie... quoi ? quoi ? Tu n’en sais rien ? Demande à ton chef de cabinet… j’attends…, le président pianota d’impatience, foudroyant du regard sa femme et Suchnick.
Au bout de quelques instants un nom lui parvint.
-Bruneau ? Tu me fous en cabane ce gazier-là pour quelque temps !
-Chandon !
-Monsieur le Président ? Une tête apparue derrière une porte.
-Tout le système de sécurité de l’Elysée, c’est de la merde ! Le moindre coup de téléphone, la moindre conversation se retrouve dans les états-majors du monde entier ! C’est une boutique de verre, ici !
-Mais, monsieur le Président, la Sécurité a fait tous les tests. Rien ne filtre vers l’extérieur…
-Baratin !
Le président furieux claqua la porte.
-Vous !
-Moi ? balbutia Suchnick.
-Venez avec moi !
Suchnick suivit le président dans le couloir qui conduisait à un ascenseur devant lequel était posté un garde républicain.
Suchnick tenta un mot pendant la descente, mais le président d’un geste catégorique le fit taire.
Dans les sous-sols de l’Elysée, ils traversèrent une série de bureaux ultra modernes où des officiers en plein travail, claquèrent des talons à leur passage, et pénétrèrent dans un vaste bureau bunker.
-Monsieur le Président… risqua Suchnick.
-Pas encore, lui dit celui-ci, qui fit signe qu’on referma la porte blindée et qu’on les laissa seuls. Puis il passa sa main sur une zone d’onde du bureau pour isoler totalement la pièce des rayons.
-Maintenant, allez-y, mon vieux.
-Monsieur le Président, je ne comprends pas : on m’a envoyé chercher pour une histoire d’ange, votre épouse m’a parlé de rêves et d’une visite aussi…
-Exact ! Qu’est-ce que vous en pensez ? Les mâchoires du président claquèrent faisant saillir les muscles de ses maxillaires.
-Du plus loin que l’on remonte dans l’histoire de l’humanité…, commença Suchnick, en joignant les doigts, l’air pénétré comme pour un cours magistral.
-Abrégez !
Suchnick pris de panique rassembla ses idées pour une rapide synthèse.
-Pour les croyants, les anges sont les messagers de Dieu…
-Je sais cela. Ecoutez, je vous ai fait venir parce que mon épouse et ma fille sont inquiètes. Si vous savez quelque chose, éclairez-moi, épargnez-moi les généralités. Voilà ce qui m’importe c’est :
a) de comprendre pourquoi l’un d’eux vient me visiter la nuit
depuis plusieurs semaines,
b) quelle interprétation donner à sa façon de m’observer et soudain de foncer sur moi ?
c) que veut dire la visite incroyable de ce jeune mi-homme mi-femme ?
-Voilà, vous voyez que vous y venez, Président ! C’est un message que l’on veut vous transmettre."

mercredi 14 octobre 2009

La Conjuration des Anges, H. Zaphiratos, Extraits, Chapitre 1° et 2° / Chiron-HTZ-Athéna Editions 430 pages

"Voici comment cela a commencé…

Lundi, le 4 avril, 23h 15

La nuit était douce, une vraie nuit shakespearienne. La pleine lune se reflétait sur les eaux du Grand Canal. Maximilien descendait l’Allée Royale du parc du Château de Versailles, les sens encore à vif. Il regrettait les seins lourds, la chevelure en cascade, la chair palpitante de la jeune femme qu’il venait de quitter. Il n’avait qu’une envie, c’était d’écourter ce rendez-vous pour revenir la retrouver pour les quelques heures de bonheur qu’ils leur restaient avant l’aube. Il accéléra le pas à l’approche du bassin d’Apollon. Près du bosquet des Marronniers, il s’arrêta et attendit.
Soudain un cri rauque traversa la nuit et le fit sursauter : «Comte de Larmenius ! »
Il se retourna.
Un homme revêtu d’une cagoule noire surgit de la masse sombre des bosquets et se précipita sur lui. Il vit deux ailes immenses se déployer, et, avant qu’il ait pu esquisser un geste, il s’effondra, le crâne fracassé.
« Tu as été démasqué, Maximilien Le Coche !» dit l’homme d’une voix caverneuse, et se penchant sur lui, en une sorte de requiem, il lui enfonça un poinçon en forme de poignard dans l’occiput d’où s’échappèrent des flots de sang.

Mardi 5 avril, 7h.25

Le commissaire Marceau, chef de la brigade criminelle de Versailles, la quarantaine élégante, défit son trench-coat, et, réprimant un sentiment d’horreur, se pencha sur le cadavre que les pompiers venaient de retirer du Grand Canal, et avaient déposé sur la pelouse.
- Qu’en penses-tu ? glissa-t-il à Caroline Léger, qui, de ses doigts gantés de latex l’examinait.
- Regarde ! C’est du beau travail, répondit-elle avec un éclat de satisfaction dans la voix. Un coup sec et il est passé de l’autre côté.
Il détourna les yeux du corps sanguinolent.
- Tu n’arrives pas à t’y faire, lui lança-t-elle avec un regard plein de commisération.
- Qu’en déduit l’insensible médecin-légiste ?
Caroline Léger haussa les épaules, et soupira.
- À première vue : le crâne a été fracassé par un objet tranchant qui s’est abattu d’en haut… La clavicule droite a été brisée.
- L’arme du crime ?
- Probablement ceci.
- Ce petit bloc de marbre ? murmura Marceau regardant incrédule le petit obélisque que lui montrait Caroline.
- En frappant pointe en avant, avec une force peu commune, l’agresseur lui a fracassé le crâne.
Caroline retourna la tête du cadavre avec précaution, et sous son index ganté les vertèbres cervicales craquèrent.
- Regarde !
Elle souleva une touffe de cheveux et découvrit une plaie.
- Une croix gammée !
- Ça m’en a tout l’air.
- Des nazis ? Ils ont pris le temps de signer leur crime.
-Ou un règlement de compte entre sectes… peut-être un crime passionnel camouflé en crime politique ? En tout cas, je te souhaite bien du plaisir.
-Plaisir partagé, ma chérie, grogna Michel Marceau en se redressant. Nous sommes sur le même bateau. Il vaut mieux que tu fasses vite, car si c’est un crime politique…
-S’il te plaît, je vais à mon rythme, marqua-t-elle, en levant la main pour l’arrêter.
-Ok. on va pas se fâcher !
Caroline avait toujours son sacré caractère.
C’était bien sa chance, il y avait trois médecins légistes et il fallait qu’il tombe sur elle !
Elle ne se remettait toujours pas de leur engueulade pour l’affaire Swinston.
L’adjoint de Marceau, le lieutenant Desaffre lui tendit la pièce d’identité de la victime.
-Merde… Maximilien Le Coche, Inspecteur général chargé des Domaines de Versailles. Un haut fonctionnaire ! murmura le commissaire.

°

Une Peugeot 307 pila devant la grille du Petit Pont. Edouard Le Coche, vingt deux ans, les cheveux roux portant un blouson de cuir noir, parlementa avec excitation, avec l’agent
de faction qui bloquait le passage. Exaspéré par son refus de le laisser passer, il jaillit de la voiture, et se précipita vers le Grand Canal.
-Je suis le fils de la victime, dit-il aux policiers qui tentaient de l’intercepter. Ceux-ci, sur un signe du lieutenant Desaffre, le laissèrent passer.
-Ils l’ont tué !
-Qui… « Ils » ? demanda Marceau.
Edouard pétrifié devant le corps de son père, ne répondit pas.
-C’est un complot, murmura-t-il.
-Un complot ? Qui vous fait croire cela ?
-Mon père m’avait dit qu’il avait suscité des jalousies à cause des fonctions qu’il occupait. Le téléphone sonnait souvent la nuit sans explication, sa voiture était suivie, ses déplacements surveillés, s’énerva Edouard Le coche.
-Calmez-vous ! A-t-il porté plainte ?
-Je le lui avais conseillé, mais il n’osait pas, il craignait de déchaîner une opposition encore plus grande. Il y a une guerre feutrée dans ce milieu. Diriger les 93 hectares des jardins du château, les 1858 hectares du Petit Parc et les milliers d’autres du Grand Parc cela attise des jalousies ! Il en était conscient.
-Vous avez des noms ?
-Rien, je n’ai rien. Mais il faut chercher dans ses papiers, dans son entourage.
-Nous chercherons !
Le lieutenant Desaffre après un instant de réflexion :
-Monsieur Le Coche, votre père avait-il une double vie ?
-Comment ?
-Avait-il une maîtresse ?
-Pas que je sache, hésita Edouard.
-Je sais que c’est difficile, mais procédons par ordre. Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?
-Hier après-midi, au moment où je partais pour mon cours à la Sorbonne. Nous sommes sortis ensemble de l’appartement après déjeuner. Il avait une réunion importante au Château. Il était, comme à son habitude, détendu. Depuis, je n’ai plus eu de ses nouvelles, jusqu’à votre coup de téléphone de ce matin, chez moi, à Paris.
-Nous n’avons pas appelé.
-Comment vous ne m’avez pas appelé ? fit Edouard étonné, qui donc m’a appelé ?
-L’assassin…, dit laconiquement Desaffre. À quelle heure ce coup de téléphone ?
-Il y a trois quarts d’heure environ…
-On vérifiera ! Que vous a dit votre interlocuteur ?
-Qu’il était arrivé malheur à mon père. J’ai insisté pour en savoir plus, mais il a raccroché.
-Et c’est tout ?
-Oui… Mais quelqu’un m’a téléphoné, cette nuit, vers une heure du matin…
-Et alors ?
-Il m’a textuellement dit : Edouard Le Coche, ton père a rencontré le démon cette nuit, puis il a éclaté d’un rire sinistre. J’ai cru que c’était une farce de copain, je l’ai engueulé, demandant qui c’était. Il a raccroché. J’ai tout de suite appelé mon père, mais impossible de l’avoir, ses lignes étaient sur répondeur.
-Vous pourriez reconnaître cette voix ?
-Oui ! C’était une voix rauque, gutturale. C’est ce matin, après votre appel, enfin l’appel que j’ai reçu, que dans la voiture j’ai appris par France Info ce qui s’était passé.
-Voici le carnet d’adresses, la carte d’identité, les cartes de crédit, mille cinq cents euros, la chevalière incrustée de rubis en forme de croix et le trousseau de clefs que nous avons trouvés dans ses poches. Vous les reconnaissez ?
-Oui, répondit Edouard après un rapide coup d’œil.
-Je vois que vous portez la même bague, dit Desaffre, en lui désignant son annulaire droit.
-Oui, c’est une bague jumelle, il me l’avait offerte pour mes dix-huit ans... Et le corps de mon père ?
-Il va être transporté à l’Institut médico-légal pour autopsie, après il sera à votre disposition.
Le lieutenant désigna la civière.
-Vous pouvez le voir. C’est nécessaire pour l’identification, insista-t-il, devant le douloureux effroi du jeune homme.
Les experts de la Police scientifique achevaient de filmer la victime.
-Prenez-moi en gros plan la taillade sur le crâne, recommanda Marceau.
-Ok, patron !
Edouard se pencha, et eut un mouvement de recul, horrifié.
-Un swastika, murmura-t-il.
-Cette marque provient de ça !
Avec un mouvement de triomphe Caroline Léger s’était approchée en manipulant entre ses doigts gantés le petit bloc pyramidal tâché de sang que l’agent Vinille venait de découvrir dans un fourré.
-Regardez !
Elle pointa un swastika gravé à la base du marbre.
-Marceau !
Elle se dirigea vers lui, en l’agitant comme un trophée.
-C’est horrible ! murmura Edouard Le Coche en songeant que ce bloc de marbre avait fracassé le crâne de son père.
-Lui connaissiez-vous un contact avec des éléments néo-nazis ? poursuivit Desaffre.
-Non ! dit avec force Edouard scandalisé.
-Cherchez bien ! Votre père a-t-il eu une altercation, ou un différend quelconque avec un inconnu ?
-Non, à part ce que je vous ai dit sur son milieu professionnel, le reste, non, je ne vois pas… il n’avait de différend avec personne.
-Et vous-même ?
-Moi ?
-À la fac… avec vos condisciples ?
-Non, je ne vois pas.
-Pas d’échauffourée avec des skinheads ou des Iroquois ?
Edouard fit signe que non.
-Bon, merci. Donnez-moi vos téléphones…
Edouard inscrivit ses numéros de fixe et de portable sur une feuille de son calepin qu’il déchira et tendit à Desaffre.
-Ne quittez pas la région parisienne, nous pourrions avoir besoin de vous.
Edouard fit « oui » de la tête et s’en alla cachant les sanglots qui l’étreignaient.

2

Le 5 avril

Marceau remonta l’Allée royale, d’un coup d’œil il engloba les 570 mètres de façade et les 357 croisées donnant sur les jardins du château et se dirigea vers l’aile Nord. Il contourna les parterres d’eau décorés d’enfants et de nymphes. Il grimpa les marches de l’escalier.Àcette heure matinale Versailles était encore vide de touristes. En passant Marceau lut sur le panneau d’affichage de l’entrée que les guichets ouvraient à 9h. Il avait donc une heure de calme devant lui pour faire avancer son enquête.
Elisa Desprès l’accueillit dans son grand bureau, entourée des ors du Grand siècle.
-Vos inspecteurs m’ont avisée du drame. L’assassinat de monsieur Le Coche est une affaire d’Etat, j’ai déjà informé le président de l’établissement public de Versailles et le ministère.
-Affaire d’Etat, c’est un peu tôt pour le dire. Pour l’instant c’est un meurtre, pas banal, je l’avoue, mais un meurtre.
Marceau se cala dans le fauteuil Louis XV broché de soierie bleu qu’elle lui avait indiqué et sortit une cigarette.
-Ah non ! Il ne va pas fumer ici, celui-là ! lut-il dans les yeux de la conservatrice
-Rassurez-vous, je ne dois pas. Puis, la remettant dans son paquet, c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour arrêter de fumer : simuler le geste…
-Il faut beaucoup de courage pour arrêter, concéda Elise Desprès.
-Oui, soupira-t-il.
-Où, l’avez-vous trouvé ?
-Vous parlez de la victime ?
-Oui, monsieur Le Coche, demanda-t-elle, le regard neutre, perdu sur l’horloge de bronze doré de son bureau.
-Dans le Grand Canal.
-Mon Dieu, dans le Grand Canal ! Mais c’est épouvantable !
Elle voyait déjà des flots de curieux conduits par des guides désignant l’endroit du meurtre, les plates-bandes piétinées, les eaux souillées par les déchets des foules incontrôlables.
-C’est un meurtre inimaginable ! Dans le Grand Canal !
-Eh oui ! Il semblerait qu’ils aient traîné le corps et l’auraient jeté là.
-Mais c’est affreux !
Marceau admira la maîtrise de cette belle femme blonde qui devait avoir entre trente huit et quarante ans, peut-être plus, comment savoir avec les crèmes, la thalassothérapie, les liftings ?
-Vous lui connaissiez des ennemis ?
-Non, mais je ne l’ai rencontré que très peu, je viens tout juste d’entrer en fonction.
-Ah ! La dernière fois que vous l’avez vu, comment était-il ?
-C’était hier après-midi, après la visite avec la représentante de la Fondation américaine, au bosquet que nous surnommons Les Cascades. Nous avons fait le point ici, lui, dans le fauteuil que vous occupez. Il ne semblait pas inquiet. Nous avons revu les dates des principales manifestations de l’été prochain, comme les Grandes Eaux musicales, les Fêtes
de Nuit avec feux d’artifice. Je lui ai communiqué le programme des spectacles de théâtre du grand Trianon.
Marceau exhiba un petit bloc de marbre blanc, qu’il avait sorti d’un petit sac de plastique.
-Mais c’est un obélisque funéraire ! s’exclama Elise Desprès, après l’avoir examinée. Elle provient des fouilles de la Vallée des Rois, de la période de la reine Karomana. Cette tâche brune ?
-Probablement le sang de la victime.
-Quelle horreur ! s’exclama Elise, en lâchant l’objet que rattrapa prestement Marceau.
-Excusez ce mauvais réflexe !
-Question d’habitude, sourit Marceau. Vous êtes dans les ors, nous dans le réel, c’est tout.
-Mais j’y pense, reprit Elise, ce petit obélisque doit faire partie de la collection des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre. Il me semble qu’il a été prêté à l’Institut du Monde Arabe pour son exposition sur l’Egypte.
-Ah !
-Pour illustrer un benben.
-Un benben ?
-Un tertre à offrandes dans l’Egypte ancienne. Le lieu où les prêtres d’Isis et d’Osiris venaient déposer leurs présents, le long de la Vallée des Rois, dans les temples comme Louqsor. Cette pièce n’est qu’une reproduction funéraire qui accompagnait le mort dans son tombeau avec les autres reproductions de ses biens, une coutume que l’on retrouve encore en Chine. En découvrant les sarcophages, on les trouvait. Je dois avoir le catalogue de cette exposition.
Elisa Desprès se dirigea vers une grande table sur laquelle étaient empilées des brochures.
-Tenez, regardez, voici la photo de ce benben, Marceau la compara avec soin, à l’obélisque.
-C’est bien la même pièce, je vais demander une vérification sur la base de données des 55.000 objets d’art volés chaque année en France.
-Permettez, monsieur le commissaire.
Elisa Desprès consulta son ordinateur.
-Déclaration de vol du 15 juin 2004 du Commissaire de l’exposition de l’Institut du Monde Arabe. Le voici, dit-elle.
Marceau prit les références, puis :
-Vous parliez d’une Fondation américaine ?
-Elle finance la restauration du bosquet que nous nommons Les Cascades. Comme vous le savez, Versailles retrouve peu à peu, sa splendeur passée grâce à de généreux donateurs dont nos amis américains. C’est une tradition pour eux. C’est au château que fut signé le traité reconnaissant l’Indépendance des Etats-Unis. Les Rockfeller ont grandement participé au sauvetage de Versailles.
-Où puis-je contacter les personnes de la fondation qui travaillaient avec M. Le Coche ?
-Mrs. Pamela Hocker ? Elle est descendue au Pavillon Henri IV, à Saint-Germain-en-Laye. Voulez-vous que je la prévienne ?
-Non, merci, j’enverrai quelqu’un. Ah, j’oubliais… pour les besoins de l’enquête, j’ai fait fermer les grilles d’entrée du parc. Le temps de relever les indices. Vous ne voyez pas d’inconvénient à cela ?
-Si l’enquête le nécessite, monsieur le commissaire ! L’an passé, un conservateur du Louvre a été assassiné, aujourd’hui
c’est le Directeur des Parcs et jardins de Versailles ! Mais pourquoi , mon Dieu ?
-Pure coïncidence. J’essaierai d’aller vite. Rassurez-vous. Il est peu probable qu’il y ait un lien entre ces deux affaires. Une question encore, avez-vous une idée sur le motif de cette incursion de nuit, de Monsieur Le Coche, dans le parc ?
-Je ne peux rien vous dire. Peut-être une vérification, peut-être l’envie de découvrir le parc, une nuit de pleine lune. C’est un enchantement sous cette voûte étoilée !
-En heureuse compagnie, je n’en doute pas, mais, en solitaire ?
-Oh, tout le monde a ses fantaisies. Et puis, chacun travaille à sa manière. L’important c’est le résultat ! La magnificence de Versailles.
-Les trésors attirent bien des convoitises !
-Oh que oui !"

jeudi 8 octobre 2009

Ma vie avec Mozart, de Eric-Emmanuel Schmitt, Albin Michel Edit.2005, 160 pages

Mon ami, mon frère dans l'humaine condition.
J'ai beaucoup aimé les pièces d'Eric-Emmanuel Schmitt "Le Visiteur" & "Oscar et la Dame Rose", et je le tiens pour l'un de nos plus grands dramaturges contemporains. J'ai aimé aussi ce petit livre où il raconte avec ferveur les touches que Mozart a apporté à sa vie. A quinze ans, il était désespéré que la condition humaine le contraigne à une mort inéluctable, et les airs de Chérubin des Noces de Figaro lui redonnent goût à la vie. Plus tard c'est l'Ave verum corpus qui le conduit au paradis de la ferveur. Dans ce dialogue d'une âme avec elle-même, à travers la musique du divin Mozart, toute la vie d'Eric-Emmanuel Schmitt se déroule, se comprend, la détestation pour le "carriérisme", le "Colloredo", l'entrée dans la foi, la lutte contre la souffrance de la perte d'êtres chers, la réflexion, méditation sur la vie, "les choses de la vie", l'"essentiel de la vie". Tout ceci ponctué par les messages musicaux des oeuvres de Mozart.
Peut-être aurais-je aimé quelque chose de plus. Un supplément d'attention littéraire. Le propos était si beau. Il méritait quelques petites inflexions de style. Oh, non pas de grandiloquence, mais quelque chose qui touche vraiment...
Il faut ajouter qu'un CD des morceaux évoqués dans le texte figure dans son enveloppe dans le livre.
Le texte s'achêve par ces paroles du livret de "La Flûte enchantée":
Tamino et Papageno :
"Trois jeunes garçons, beaux, doux et sages,
nous apparaîtront au cours de notre voyage.
Les Dames
"Ils seront vos guides
ne suivez que leurs conseils.
Tous :
Adieu, nous devons partir.
Adieu, adieu.
Nous nous reverrons."
Une belle méditation.
Henry Zaphiratos

VENISE, "Des Racines et des Ailes",Fr3, le 7 octobre 2009

Enchantement de parcourir les ruelles, de suivre les gondoles sur le Grand Canal, de visiter le palais des Doges, la salle du Grand Conseil, le palais royal de Bonaparte, la basilique de Saint-Marc, de revoir les quatre chevaux de bronze dorés de l'hippodrome antique volés à Constantinople en 1204, au moment du viol de la ville par les Croisés de la 4° Croisade, de revoir les Tintoret, les Véronèse, les Titien etc. , les palais-entrepôts, les palais de la Terra Ferma dessinés par Palladio, décoré par les plus grands peintres de l'époque, l'Arsenal qui est en rénovation, de voir vivre les Vénitiens et leur bonheur tranquille...
Et stupéfaction, découvrir les "oeuvres d'art moderne" d'un richissimme mécène français, une accumulation de platitudes hétéroclites de sculptures, de tableaux, etc.
La beauté de Venise écrasait ce reste. HZ

mercredi 7 octobre 2009

Les Catilinaires,d'Amélie Nothomb, Albin Michel Edit. 1995, 210 pages

Le héros, Emile est un prof de latin-grec retraité, sa femme, une brave petite bobonne, deux nuls, qui n'ont jamais dit "non", et au soir de leur vie subissent sans broncher les coups de pied au cul que leur inflige un "vieux" médecin de 70 berges, Palamède, en venant tous les jours s'incruster de 16h à 18h. dans un mutisme idiot, sans leur autorisation.
Ce type traîne une grosse truie qui passe son temps à enfourner de la soupe. A la fin, Emile, après d'interminables débats philo-brumeux, zigouille, après sa tentative de suicide avorté, un Palamède(le toubib) à demi-consentant, et la mémé s'occupe de fleurir et de faire bouffer la grosse patate.
L'héroïsme c'est de lire une telle histoire, écrite sans style, truffé de sentencieuses pensées latines pour épater le lecteur. D'ailleurs le titre a été piqué sans vergogne à Ciceron, pour faire intello "chic".
Ce qui m'a frappé c'est le mépris pour les "vieux" qui s'en dégage.
La brave jeune fille qui "admirait" son prof, et qui était venue lui rendre visite, fuit, quand elle voit la connerie de celui-ci devant cet amas muet de graisse.
HZ