mardi 31 janvier 2017

A propos des Jeunes politiques.... Extrait d'"Un Jeune homme sans importance"


"J’aime Ethel.

A travers les vapeurs des gaz lacrymogènes, belle, intrépide, elle passe des pavés que d’autres descellent dans la furie, à Archie. Elle va jusqu’au bout d’une logique à laquelle je n’adhère pas. Oui, pour notre liberté, mais non à cet enfermement dans un système. En courant je lui ai expliqué mes raisons, je lui ai dit que je me battais avec elle pour la libération de la femme, l’égalité des sexes, pour un autre monde, plus juste, tolérant, mais que c’était absurde de suivre les mots d’ordre de « La Cause du peuple », que c’était une dictature, celle d’un soi-disant prolétariat, que les gauchistes voulaient instaurer ; qu’il n’y avait qu’à voir ce qui se passait chez Mao, en Chine ! Rien n’y faisait. Archie, du haut de son aura héroïque, était le plus beau, le plus romantique des révolutionnaires. Elle respirait près de lui l’air des cimes. Elle revoyait la villa de Neuilly, les meubles Art-déco, les domestiques de ses parents, elle entendait la componction qui tombait des après-midi de thé, dans le salon de sa mère.

-C’est l’horreur ! me criait-elle, et elle ajoutait, méprisante :

- Il y a trop de choses dans ta caboche, tu réfléchis trop ! Nous devons raser le passé pour construire un monde nouveau ! Lis Marx, Lénine, « Le Deuxième sexe » ! 

 Je suis frappé de stupeur. En quelques jours, elle était devenue ça ! Une passionaria, une communarde ! 

Je l’ai traitée de « pétroleuse ! Elle a pouffé.

Je ne l’ai plus aimée. J’étais sur une rive, elle, sur une autre.

Elle est partie avec Archie distribuer des tracts. Moi, j’en prends une flopée, je les jette dans une bouche d’égout. Je n’aime pas les tracts. Je préfère la discussion. Parler face à face. Dire ce qu’on pense en faisant des efforts pour se maîtriser. Ce « maoïsme » ne me plaît pas. C’est un truc importé de Chine, avec à la tête, un dictateur sanguinaire ; comme si nous n’avions pas d’idées, une volonté de transformer l’avenir à notre façon, un génie de la Bastille ! Cela me hérisse de les voir brandir leurs journaux au milieu des discussions, des amours de rencontre. Près de la statue de Danton, je trouve Maurice Rosen. Avec sa grande dégaine, son regard heureux et affairé, il me  lance : « Je te vois plus tard, j’ai une touche », et il me désigne les deux filles aux cheveux blonds filasses, heureuses de vivre leur libération sexuelle au Quartier Latin avec ce grand gabarit. Elles m’adressent un sourire ravageur accompagné de quelque invite en anglais. Maurice me déçoit. Communiste enragé, je le voyais en première ligne présentant sa poitrine aux CRS. Et là ? Il cherche un coin tranquille pour baiser ! C’est vrai,  il  plaît aux filles avec sa dégaine d’ours. J’aurais voulu discuter avec lui, connaître ses sentiments sur ce qui se passe, mesurer son degré d’exaltation, lui, l’idéaliste qui, le cœur gonflé de certitudes, raconte la Révolution russe, le Che, Israël et les kibboutz, où il a servi pendant l’été dernier. Je suis sûr qu’il m’aurait comparé les émeutes actuelles à Octobre 17 à la prise du Palais de Saint-Pétersbourg !"

En épilogue :Archie a fait carrière est devenu député puis ministre d'un gouvernement de Gauche.

Ext. d'Un Jeune homme sans importance de H.Zaphiratos - Edit. HTZ-Athéna 2016

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