jeudi 15 mars 2012
Le ridicule tue... au théâtre... et en politique...
"Le huit j'ai assisté à la première représentation du "Siège de Paris" d'Arlincourt. Cet écrivain qui a tout juste un peu de talent pour écrire des romans à deux "balles" pour les dames de province et les femmes de chambre de Paris, a une belle rente pour vivre. Il emploie une assez grande partie de ses revenus à soudoyer certains journalistes pour qu'ils louent ses romans et autres rhapsodies qui ont été portées aux nues dans les journaux et traduites en treize langues, ce que du moins nous assure X, l'un de nos plus célèbres critiques parisiens qui n'a pas pu résister aux dîners d'Arlincourt.
A la première du "Siège de Paris" le parterre tout entier et la moitié des loges étaient occupés par les fans de l'auteur. On aurait pu compter 800 personnes réquisitionnées par le riche auteur ; mais il semble avoir oublié qu'un Français ne peut s'empêcher de se moquer de ce qui est ridicule, et que l'homme le mieux payé qu'on ait jamais envoyé au théâtre rit nécessairement aux endroits où il voit rire son voisin. La pièce d'Arlincourt est un tissu de niaiseries...
L'intrigue du "Siège de Paris" est littéralement inintelligible. Autant que j'ai pu retirer quelque chose, il ressort que Paris est assiégé par.... au IX° siècle, période où l'on décrit notre capitale comme entourée d'une épaisse forêt permettant aux différents personnages de se surprendre les uns les autres. La tragédie a débuté à 7 heures et à 7 heures et demi tout le monde commençait à rire ; la gaîté n'a cessé d'augmenter jusqu'à la fin de la pièce, à 9 heures et demi, lorsque (le présentateur) Lafont s'avança au milieu des huées et des sifflets pour annoncer le nom d'Arlincourt. Il y a longtemps que je ne m'étais autant amusé au théâtre." etc.
Stendhal "Esquisses de la société parisienne" page 690
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