samedi 8 novembre 2014

La chance que tu as de Denis Michelis, roman Stock Edit. 160p. 2014- 17€

Misères d'un grouillot de cuisine.
Une longue nouvelle plutôt qu'un roman. Journaliste l'auteur montre d'une manière forte la "lobotomisation" des êtres soumis à une organisation sociale, en l'occurrence un grand restaurant où le personnage, un jeune adolescent est déposé par ses parents pour entrer en apprentissage. Comme dans toutes les institutions où la rapidité et l'ordre sont de mise, le jeune serveur subit les rigueurs des coups de gueule, les lazzis, les humiliations, les réflexions et les formules toutes faites. Ce qu'il vit dans cet "enfer" a été montré par Charlie Chaplin dans Les Temps modernes, c'est ce que vivent les jeunes recrues de l'Armée qui font leurs Classes etc. Le personnage, très jeune, n'a pas été préparé à cette dure "servitude", il n'a pas de "ressort" suffisant, et chaque fois qu'il se plaint, on lui répète "qu'il a de la chance"... la chance d'avoir trouvé du travail..., la chance d'être dans une organisation... Dehors c'est l'incertitude, le trou de l'inconnu.
Les adolescents des pensionnats d'autrefois, les enfants de Troupe, etc. ont connu une semblable situation, de tels bizutages, ces humiliations... que dire de l'enfer des prisons pour jeunes en Russie. Mais l'auteur a voulu décrire un monde kafkaïen, en isolant le lieu , un grand restaurant dans une forêt inconnue, en livrant un être fragile, immature que ses parents "abandonnent" à la porte du restaurant, comme dans les "Nouveaux Monstres" de Mario Monicelli le fils abandonne sa mère vieille mère, venue en promenade avec lui, à la porte d'une sinistre maison de retraite.   
L'auteur livre un agneau sans ressort, plongé dans la détresse, sans une main secourable, à la dureté du monde social. Il n'y a dans ce roman aucune perspective d'avenir pour ce jeune apprenti, rien que la servitude. L'auteur a choisi la noirceur totale.
Dans cette perspective on comprend mieux pourquoi tant de personnes préfèrent une situation de "chômage aidée" à un monde robotisé dans l'humiliation. C'est une situation que peuvent connaître aujourd'hui les jeunes apprentis de cuisine, les grouillots, dans certains restaurants, méprisés, houspillés...
Comme un cri de désespoir dans une France en crise.
14/20
Hermès

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