lundi 19 janvier 2015

Le manteau de Greta Garbo, de Nelly Kapriélian, Grasset Edit. 284p. 18,50 - 2014

Plutôt qu'un roman Mme Nelly Kapriélian a écrit un essai sur la mode, les vêtements. Un essai qui m'a époustouflé par son érudition sur les robes, les chapeaux, les chaussures et une recherche en profondeur des tocs des stars de naguère, et du désir fou d'avoir quelque chose d'un univers que certains imaginent comme fabuleux. Avoir un "Chanel" vrai ou faux, quel sentiment de bonheur inonde certains êtres, ils ont l'impression qu'ils sont entrés dans ce monde fabuleux de la richesse, de la notoriété, des lumières... dixit Karl Lagerfeld : "Le sac Chanel, c'est ce qui donne à une femme l'impression d'accéder à une vie que très peu de gens peuvent avoir."
La mode c'est l'aristocratie restaurée, celle de l'Ancien Régime où les princes, les duchesses, les comtesses etc. revêtaient les vêtements les plus fous, les plus riches, brodés d'or et d'argent, couverts de diamants, de pierreries précieuses... Un univers fantastique que éblouit le peuple, le monde. Avec les stars de cinéma, les stars du théâtre, les stars de la vie politiques, cet univers ressurgit à travers leurs vêtements, leurs modes, leurs tics et leurs tocs... C'est le triomphe du miracle des "modes", des "sigles", des "marques". Toute la bourgeoisie, toutes les classes moyennes, se prêtent à rêver, avoir ceci ou cela pour se rapprocher des divinités de ce monde, de s'inventer une nouvelle vie, se donner un nouveau look.
Nelly Kapriélian fait l'inventaire de ceux qui ont participé et participent à cette fantasmagorie pour cacher les corps, les voiler, puis la compulsivité des achats pour "posséder" comme Martine Carol qui avait 400 sacs à main, dans ses armoires etc. acheter pour être, pour exister. Du monde du semblant, du paraître, au monde du faux-semblant...
Et les grands créateurs des studios hollywoodiens ! Qui venaient l'un de la chaussure (Mayer), l'autre du gant (Goldwyn), de la fourrure (Zukor)... tous amoureux des corps pour les vêtir et les donner à voir...
A travers les stars du cinéma, de la mode, de l'art, de la littérature, la nomenclature des jeux de miroir, des masques, des marques. L'inauthenticité dans toute sa splendeur, le faux, l'artificiel, la construction d'univers de schémas pour les foules assoiffées de se trouver une raison d'être, d'exister, en singeant les stars, les dandys méprisants, le monde de l'artifice qui fait vivre un corps glorieux de créateurs mystificateurs, pour donner une "âme" à ces corps, si beaux dans leur nudité, sublimes dans l'art des Phidias, des Rodin, des peintres, corps qu'il faut revêtir pour les offrir aux écrans des cinémas, aux défilés des Tout-Paris, aux magazines de mode comme Vogue, pour les sublimer, cacher les misères du vide, le creux des vies, la souffrance se promenant au-dessus des êtres. Créer pour quelques instants, quelques heures le plaisir, et le répéter, l'entretenir comme une flamme pour illuminer pour quelque temps des destins tragiques.  
Un livre très documenté, très intéressant, finement agencé pour que l'on en garde l'intérêt continument.
Pour les élèves des écoles de mode, de stylisme, les créateurs.
HZ
16/20
 
     

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