samedi 26 juin 2010

Réflexions d'André et réponse d'Henry

Paul Hazard (1878-1945- académicien) a écrit un ouvrage sur « la pensée européenne au 18ème siècle – de Montesquieu à Leising » parut en 1946.Je te joins en pdf la conclusion du livre. J’y ai retrouvé ton style d’écriture, rapide, dynamique, parfois sarcastique mais toujours plaisant à lire. Ce que j’en retiens tient plus de la surprise que de l’enseignement : surprise de l’époque pour commencer, cela aurait pu être écrit pour décrire notre 21éme siècle, surprise ensuite de la richesse culturelle européenne de ce 18éme siècle, enfin surprise de (re)trouver une France rayonnante qui n’aurait jamais dû quitter cette place, n’ayant rien eu à gagner au change sinon qu’à se perdre dans le labyrinthe du fédéralisme-unioniste à l’anglo-saxon (je retrouve mes racines nationalistes en écrivant ceci) . La faute à qui ? Ceci étant je prends énormément de plaisir à lire cette littérature d’une autre époque, laissée de côté, mise au rebut, constatant, au passage, que la mode est de faire avec du vieux, méconnu ou oublié, du frais et du neuf comme si les connaissances (rationnelles) étaient nécessairement toujours nouvelles, issues de (faux) nouveaux modèles renvoyant nécessairement toute connaissance ancienne au placard ou à la cave au nom de la modernité pour toujours mieux « réemballer » et « resservir » des thèmes et ou des idées vieilles comme le monde (c’est sans doute cela l’art du commerce et de la politique). je découvre aussi une autre littérature s’apparentant plus à une gigantesque masturbation intellectuelle qu’à de réelles réflexions, prouvant que la fantastique profusion d’analyses, réflexions et autres prospectives tient plus de la source de revenus que d’une réelle recherche. Elle se caractérise par une incompréhensibilité chronique des phrases et des mots utilisés, par un style plus halogéné qu’ampoulé aveuglant totalement le lecteur que je suis, me révélant le désordre intellectuel patent des rédacteurs d'aujourd'hui(souvent des doctorants). Je finis par effacer ces fichiers pdf de mon disque dur, sans aucun remords, puisqu’inutile et inexploitable dans mon travail de réflexion. Cependant, tous (quand j’écris tous, cela inclus tous les auteurs que je lis actuellement) mettent le doigt sur ce sentiment de malaise qu’éprouvent (parfois) les gens vis-à-vis de la société. Pour certains cela viendrait de l’ennui, de la lassitude, pour d’autres ce serait une pulsion (primitive), pour d’autres encore c’est l’absence de valeurs et de morale qui provoqueraient ce malaise. C’est franchement peu satisfaisant comme réponse. Néanmoins, une tendance se dessine au fil des lectures validant de plus en plus ma conviction profonde. Je reviendrai dessus lors d’un prochain mail.
André

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J'aime bien ton analyse et ta découverte de ce patrimoine extrêmement riche de toutes les analyses faites au XX°siècle sur les siècles antérieurs, le rayonnement intellectuel et littéraire évident des penseurs qui sont sortis de la scholastique du Moyen-âge, se sont aventurés sur les terres nouvelles de la liberté de l'homme, et de l'organisation psychique, sociale et politique (Montesquieu) de la société. Comme je te l'ai dit la France jusqu'en 1940 rayonnait sur le monde grâce à ses penseurs, ses écrivains (Victor Hugo etc.) ses philosophes, son organisation politique issue des révolutions de la fin du XVIII° siècle et tout au long du XIX°, qui se sont terminées par les sanglants affrontements de la Commune. Toute l'Europe pensait français, et le monde entier suivait nos penseurs, nos romanciers etc.
Avec Munich en 1938, Daladier a brisé cette foi, en trahissant la Tchécoslovaquie et partant les Etats de l'Europe formant la Petite-Entente que la France dirigeait. Avec 1940, l'invasion allemande, puis russe communiste en Europe de l'Est, toute l'armature de l'intelligentsia francophone s'est effondrée par les massacres des élites polonaises, juives, roumaines, bulgares, hongroises, tchèques, slovaques, serbes par les nazis et les communistes. Même le grand chef albanais Enver Hodja était francophone et prof de français, cela ne l'a pas empêché de massacrer ses élites. Avant guerre Louis Jouvet, la Compagnie Barrault-Renaud, la Comédie française jouaient sur toutes les scènes de l'Amérique latine, des USA, d'ailleurs Barrault-Renaud seront bloqués en Amérique latine en 1940.
EN 1945, le monde tournera encore les yeux sur Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir puis Deleuze, Lacan, etc. Mais le meurtre des élites européennes, qui, en grande partie, pour ceux qui auront pu s'échapper, viendront se réfugier France comme Ionesco, Cioran etc. aura un effet néfaste sur le rayonnement de la France. Viendront les guerres coloniales, la décolonisation, le désarroi des élites, le manque de grands romanciers pour éclairer une époque, et les Américains avec leur force économique de rouleau-compresseur, leur septième art éclatant, feront croire au rêve américain. Ils noieront avec les Anglais l'Allemagne dans la dénazification, et inviteront leurs élites comme Von Braun pour les fusées etc. L'Europe s'était suicidée. Maintenant il faut tout reconstruire, repartir avec des bases fondées sur les études du passé comme celles de Paul Hazard, de André Siegfried, de Daniel Halévy, etc. Tu fais bien de foncer dedans pour réfléchir sur l'importance de la France, de sa pensée. H.

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