dimanche 13 mai 2012

L'intermède romain de Drieu La Rochelle, roman, Gallimard 1991, in Histoires déplaisantes.

Je lis actuellement "L'intermède romain" de Drieu. Un mélange de roman-récit autobiographique. Son style est "élevé" avec des accents d'"intemporalité" qui fascine, et qui révêle un esprit, une âme dans son bouleversement. Reste que son côté "antisémite" choque profondément. Il a mis sur le dos de "l'internationalisme" des arts, des lettres, de la politique, ce qui n'était qu'une vaste transformation du monde et de la France. Il n'a pas compris l'enrichissement de cette diversité, et comme d'autres, à cette époque, a déploré et décrit d'une façon sarcastique et amère la fin d'une certaine petite-bourgeoisie de rentiers qui s'est effondrée avec les Emprunts russes, la crise de 1929/36. Jean Renoir a aussi, au cinéma, peint cette société en pleine mutation dans "La Grande illusion" et "La Règle du jeu", Marcel Carné dans "Drôle de drame", Aragon dans "Les Beaux quartiers" "Aurélien". Drieu écrit d'une façon magnifique. C'est toujours au-delà de la "littérature" banale, c'est la haute-couture de la littérature, au-delà du commun. Extrait : "Je répondis à Edwidge. Comme j'avais lu les poètes et les romanciers, comme je m'étais nourris assez intimement des délicatesses de plusieurs époques, j'avais horreur d'en faire un usage démagogique auprès des femmes. Il est aussi facile de séduire une femme qu'une foule par les mots; moi qui n'étais pas écrivain, grâce aux dieux, je répugnais à posséder une maîtresse comme on possède un chien. Aussi écrivais-je toujours aux femmes des lettres tout à fait succinctes. Mais le diable se niche aussi bien dans la concision que dans l'euphémisme. Et sans doute ma lettre mettait-elle dans ses silences une grande hypocrisie, car Edwidge me récrivit-elle pour me remercier avec effusion des "trop belles choses" que je lui avais adressées." Page 186 Extrait :" Les femmes se plaignent de la brusquerie des hommes, mais quand elles rencontrent un homme qui a le sens des dévotions de l'amour, elles n'ont jamais de temps à lui donner." Page 173 Ce roman (inachevé) a été retrouvé dans les archives de Drieu La Rochelle et a été publié tel quel en 1963. Trois portraits de femme sont dessinés avec profondeur et restent dans la mémoire comme les personnages célèbres de Mme de Raynal dans "Le Rouge et le Noir", ou la duchesse de Sanseverino dans "La Chartreuse de Parme" de Stendhal, ainsi Marianne l'Orientale, Dora l'Américaine, et surtout Edwige la Hongroise, la belle aristocrate-mannequin, et le personnage de l'auteur qui se cherche, analyse, se comporte comme un intellectuel gigolo à la Fitzgerald, genre "Le dernier Nabab"... La période est la même 1925, l'Entre-deux guerre. Le style est éblouissant, comme celui de Stendhal. Un chef-d'oeuvre littéraire. Je n'ai par contre pas aimé, et considéré comme des textes importants les autres nouvelles du recueil intitulé "Histoires déplaisantes", à savoir "Journal d'un délicat","La duchesse de Friedland","L'agent double"(banal et désuet)," "Le souper de réveillon". H.Z.

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