Depuis un mois, l’écrivain Frédéric Werst a envoyé des courriers
tous azimuts pour mettre en garde contre le danger d’une telle mesure. D’autres
romanciers comme Eugène Greens et Olivier Rolin et Henry Zaphiratos le soutiennent. Il a écrit
notamment au Secrétaire général de l’Académie des Inscriptions et Belles
lettres. À son tour, l’Académie française a publié le 21 mars une déclaration
très claire qui «demande instamment au législateur de renoncer à introduire
dans la loi une disposition portant atteinte au statut de la langue française
dans l’université». L’Institution, qui a pour vocation de veiller sur la langue
française mais qui n’est pas sourde aux réalités, précise: «Sans nullement
méconnaître les nécessités des adaptations et de l’ouverture aux langues
étrangères, le principe constitutionnel selon lequel la langue de la République
est le français ne doit souffrir, dans le domaine de l’enseignement supérieur,
que des exceptions rigoureusement justifiées et précisées, donc limitées.»
Hasard du calendrier ou cynisme ? Le 20 mars dernier, Journée
internationale de la Francophonie ,Mme Fioraso présentait devant le
conseil des ministres son projet de loi, dont une disposition prévoit de
faciliter considérablement l’emploi de l’anglais, en lieu et place du français,
dans l’Université française.
Ce projet de loi est d’abord hypocrite, puisqu’il évoque la
possibilité d’enseigner en «langue étrangère», alors qu’on sait bien que c’est
l’anglais que désigne cet euphémisme.
C’est un projet de loi inopportun, dans la mesure où des dérogations
existent déjà, qui permettent aux écoles supérieures de dispenser une (grande)
partie de leur enseignement en anglais. Comme le fait justement remarquer
l’Académie française dans sa déclaration du 21 mars, ce qui était jusqu’ici une
exception risque de devenir la règle.
C’est un projet de loi injurieux pour les pays de la Francophonie et
pour les francophiles, et en particulier pour les nombreux étudiants
francophones qui désirent étudier dans notre pays, et ne le peuvent pas à cause
de notre politique restrictive en matière de visas.
C’est un projet de loi anti-républicain, puisqu’il porte atteinte au
principe constitutionnel selon lequel le français est la langue de la
République.
C’est un projet de loi antidémocratique, parce qu’il amènera
inévitablement, à plus ou moins long terme, la fermeture de certaines filières
en français, et que des étudiants français ou francophones seront donc
pénalisés.
L’argument de la ministre est que cette disposition permettrait
d’attirer en France les meilleurs étudiants étrangers. Mais cet argument est
fallacieux pour deux raisons. D’abord, les meilleurs étudiants qui souhaitent
suivre un cursus en anglais continueront à aller, par priorité, dans les
universités anglo-saxonnes. Ensuite, comment considérer qu’un étudiant ne
sachant que l’anglais serait «meilleur» qu’un étudiant sachant l’anglais et
aussi le français?
Il y a bien d’autres moyens de rendre l’Université française plus
«attractive» que de sacrifier la langue française. L’École centrale de Pékin,
par exemple, dont l’enseignement est trilingue chinois-français-anglais. Là se
trouve réellement la réussite française que Mme Fioraso devrait promouvoir.
Il faudrait être résolument moderne, dit-on, cesser d’être soi pour
exister, s’adapter à la «réalité»? Mais la réalité, c’est aussi que le nombre
de francophones ne cesse d’augmenter dans le monde entier. Certaines
projections démographiques parlent de 700 millions, voire d’un milliard, dans
quelques décennies. Le déclin de la langue française est un mythe, voire, chez
quelques-uns dirait-on, un souhait.
Préserver le statut du français dans l’Université française est
l’affaire de tous, au-delà des appartenances politiques. Et menacer ce statut
ne fait pas partie du mandat que les parlementaires ont reçu du peuple
français, qui, dans sa grande majorité, n’en doutons pas, reste attaché à sa
langue."
pcc.Hermès
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire