dimanche 21 octobre 2012

Une façon de chanter, Jean Rouaud, Gallimard 212p. 2012 - 17,90€

Un vieux monsieur se penche sur son enfance, son adolescence et sa prime jeunesse provinciales. Il dévide le fil de ses souvenirs, de ses parents disparus, d'un monde disparu. A l'enterrement de son cousin Joseph il se remémore la vie familiale, sociale de la petite ville de la Loire-Inférieure, devenue Loire-Atlantique depuis, il se souvient du cauchemar de sa vie d'adolescent dans une pension de religieux renfermés, durs, de son évasion par la musique. Chemin faisant il exprime son étonnement que sa mère si musicienne dans sa jeunesse ait brusquement, une fois mariée, tourné le dos au piano, ne se concentrant que sur son travail, son magasin. Il revit le choc de sa vie avec la mort brutale de son père à 41 ans... En égrenant ses souvenirs, il les commente à la lumière des événements qui se sont produits ces quarante dernières années, une traversée de la fin XX° siècle d'un petit provincial. La révolution de la jeunesse qui a commencé, il ne le dit pas, dans les années 1950 avec les rats de cave, les danses du boogie-boogie, du Jitter-bug, James Dean (A l'est d'Eden), le King Elvis Presley, puis s'est poursuivie en 1960 avec les films de la Nouvelle Vague, préludes à l'arrivée des Beattles, Woodstock, Rolling Stones etc.  l'explosion de la jeunesse qui devient une force économique et politique avec Mai 68.
Jean Rouaud a vécu la partie qui démarre en 68, et note les assouplissements de la discipline, les transformations dans la façon de se vêtir, d'être, en omettant de dire que cela venait des Etats-Unis, la décontraction, les pieds sur la table, les beaux corps libérés etc. Il dit avec justesse que la guitare a été un élément de libération, de sa libération face à son univers petit-bourgeois et provincial. Il rejetait ce monde suranné, empêtré dans sa grisaille, ses gestes reproductifs répétitifs.
Dans ce monde nouveau il constate le triomphe de l'anglais par la musique, celle qui est née à Liverpool, et constate l'effondrement de la France comme grande puissance, s'en réjouissant peut-être comme une revanche hagarde des "paysans" :"Si nous n'avons été qu'indirectement témoins de cette métamorphose qui s'accomplissait au vu et au su, c'est qu'au fond de nos provinces rurales, les informations arrivaient avec retard, que l'on traitait avec méfiance et prudence, encore une invention des villes pour nous renvoyer à notre statut infamant de paysans. Et de fait, nous étions intimidés par ces mainfestations d'une jeunesse libérée, et libérée de quoi sinon de ce qu'on avait tenté de lui  enseigner et que l'on connaissait bien, le respect de l'autorité, les valeurs de la bourgeoisie et de la morale chrétienne, les interdits entourant la sexualité et comprimant les corps..." fin de citation Page 171.
C'est oublier l'air du large qu'une grande partie des Français avait en eux, la carte de géographie du monde, les oeuvres, les créations, l'universalité de l'homme, les Lumières etc.
Ce livre est sans charme, triste, étriqué. Il sent le renfermé. La souffrance est commune...
Jean Rouaud a eu le prix Goncourt en 1990.
13/20
Hermès

 

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