samedi 19 avril 2014

"Dans la Rome fasciste"... Extrait du roman "LE VOYAGE DE DORIAN" de H. Zaphiratos- Publibook-Edit. 2014

"Le Duce trouva le chancelier irrité par la visite que venait de
lui rendre le cardinal-légat dans la salle de la Mappemonde du
palais de Venise.
— Méfiez-vous de ces gens-là, mon cher ami, ils vous enrobent
des formules qui vous endorment pour des siècles. La
chute de l’Empire romain, c’est eux qui en sont responsables en
annihilant l’esprit de courage et l’instinct de lutte des guerriers.
La formule « Tends ta joue gauche si on te frappe sur la
droite… » Non, non et non !
Il arpentait la salle avec Mussolini, en proie à une grande colère.
— Mais Rome ne s’écroulera plus ! s’exclama le Duce, elle
régnera sur toute la Méditerranée !
— Mon très cher Duce, nous devons nous débarrasser de
toutes ces forces négatives, puis sentant le moment venu, j’ai
grondé lorsque ce cardinal m’a parlé des juifs ! Ils veulent
maintenant les couver, c’est un comble ! Ce peuple qu’ils désignaient
comme déicide et qu’il présentait comme ayant apporté
le malheur et la ruine ! Je l’ai dit à votre gendre, Ciano, l’action
de nos deux peuples doit aussi se faire sur ce terrain-là. Vous
avez ça, il désigna, sur un tableau Renaissance, la basilique
Saint-Pierre, chez vous…
Mussolini sentit la colère monter en lui, quoi ! lui ! qui depuis
la Marche sur Rome, il y a seize ans, tenait l’Italie sous sa
férule, recevait des conseils de ce blanc-bec de dictateur qui
n’était au pouvoir que de depuis cinq ans ! Cela en était trop ! Il
éclata.
— Non, monsieur le chancelier ! Rien n’arrêtera le fascisme,
nous balayerons tout sur notre passage, la nation italienne n’a
qu’un mot d’ordre : « Croire, obéir, combattre ! » Quant au
pape, à la Curie, ils n’ont qu’à bien se tenir et à leur place ! Ils
ne bougeront pas ! N’avait-il pas mis au pas le roi, n’avait-il pas
refusé le titre de prince qu’il voulait lui conférer pour
l’acheter ? N’avait-il pas crié : « Majesté, je suis et veux rester
seulement Mussolini, issu de générations de paysans fiers de
l’être ! »
Hitler sourit, il avait atteint son but, sortir l’Italie de la
mainmise du Vatican, par l’amorce de la persécution contre les
juifs. L’Allemagne ne serait plus seule en Europe, l’Italie, nation
chrétienne, allait entrer dans ce cycle infernal, et, il pourrait
envoyer à tous les diables, le clergé allemand, en tête le cardinal
Faulhaber !
— Vous savez ce qu’il a osé me dire… non … non, ça n’a
pas d’importance…
Mussolini s’était approché en souriant, voyant son ami plus
détendu, la moustache bien brossée.
— Le Grand Conseil fasciste prendra, monsieur le Chancelier,
les décisions qui s’imposent sur cette question, je chargerai
Farinacci, Preziozi, Interlandi de ce problème et vos conseillers
pourront se mettre en rapport avec eux.
Hitler jeta un regard trouble sur la grande tapisserie où saint
Georges terrassait un dragon. Il était mal à l’aise dans ce palais
où tant de gens avaient vécu, étaient morts, où tant de rêves
erraient encore. Il songeait à la nuit qu’il venait d’y passer. Ce
dragon qui était terrassé, était-ce lui ? Où était-il le saint Georges
? Balivernes que tout cela… balivernes, les prières que sa
mère lui faisait réciter à genoux au pied de son lit, balivernes
que la Bible que lisait son père dans l’humble maison de Spital,
sans compter ces racontars familiaux sur un arrière-grand-père
juif !
Il n’entendait pas le Duce parler de la grandiose manifestation
qui se préparait au Stade, il revivait la frayeur qu’il avait
éprouvée, cette nuit, lorsqu’il s’était retrouvé, seul, dans la
grande chambre, dans ce lit à baldaquin, entendant la voix de
Faulhaber crier : « Damnation, damnation éternelle ! »
— Vous et moi, Duce, nous n’avons que deux possibilités,
réaliser nos projets ou échouer. Si nous aboutissons, nous serons
les grands hommes de l’histoire, si nous échouons, nous
serons condamnés, réprouvés et damnés.
Le Duce eut la fugitive vision d’un gouffre.
— Mais inutile d’avoir de crainte, ajouta Hitler, Napoléon
disait à Gourgaud à Sainte-Hélène qu’il ne se souvenait de rien
d’avant sa naissance et qu’il ne se souviendrait de rien après sa
mort. Croyez-vous que les tyrannosaures soient damnés ?
Allons donc, mon cher ! Il haussa les épaules.
— Leurs Majestés ! annoncèrent les valets de pied ouvrant
grandes, les portes."

"Le Voyage de Dorian"  Roman - Extrait
henrizaphiratos@orange.fr

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