dimanche 26 décembre 2010

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, de Mathias Enard, roman, Actes Sud Edit. 160p. 17€. Prix Goncourt des Lycéens 2010

Le titre du livre est emprunté à R. Kipling "Au hasard de la vie". C'est un petit livre intéressant par son érudition, et la magie qu'opère le seul nom de Michel-Ange, dont le David, le Moïse, le plafond de la Chapelle Sixtine entre autres soulèvent l'émerveillement et l'enthousiasme. Les faits principaux que révèle ce roman sont réels : le projet de pont à Constantinople pour joindre les deux rives du Bosphore, projet lancé par le sultan Bazajet et pour lequel Michel-Ange, entre la livraison du David et les travaux du Moïse pour le pape Jules II, a fait un court séjour sur la Corne d'or. L'auteur, page 153, en fait un petit résumé. Le plan du pont projeté, dessiné par Michel-Ange est bien au Musée de la science à Milan, et dans les archives ottomanes, tout comme l'inventaire de ses objets laissés sur place à son départ.
Les lycéens ont attribué le Goncourt à ce livre probablement pour son intérêt historique et pour la part de rêves que suscitent et Michel-Ange, et Constantinople, que les Ottomans ont prise cinquante ans plus tôt. Ainsi leur apparaît le balancement entre la chute de Constantinople en 1453, et la fin du Califat arabe andalou, en 1492, année de la découverte de l'Amérique...
Avec ce contexte historique, le charme de découvrir que c'est un ami et biographe de Michel-Ange, peintre comme lui, Ascanio Condivi, qui relate cette invitation du sultan. Le livre apporte un petit côté "reportage" de ce que l'auteur a imaginé du Constantinople de l'époque : les poètes, les chanteuses andalouses, les tavernes, le marché aux esclaves, Sainte-Sophie transformée en mosquée, etc. à travers le récit imaginé des aventures de ce bref séjour du peintre.
C'est du domaine de l'esquisse. Cela permet de gommer les guerres endémiques, l'enlèvement des enfants pour en faire de terribles et fidèles janissaires, la préparation des forces ottomanes dans les Balkans pour partir à l'assaut de l'Europe... etc.
Après ce séjour de quelques semaines, Michel-Ange retournera en Italie sans être payé, et le 14 septembre 1509, un terrible tremblement de terre secouera Constantinople et mettra à bas le début des travaux de ce pont, dont l'esquisse est publiée dans le livre.
P. 120 : rappel d'un adage "on peut mesurer l'importance de quelqu'un à la puissance de ses amis."
Une écriture simple, quelques pages lyriques sur le rêve à demi-éveillé de l'amour.
10/20
Hermès

1 commentaire:

CéCédille a dit…

La mystification a fonctionné. Le pont n'a jamais été dessiné par Michel Ange et son séjour est très hypothétique, comme l'a avoué Mathias Enard lors de la présentation de son livre. Comme vous, j'étais tombé dans le panneau. Mais le livre est très séduisant et talentueux : Des ponts et des rêves