C'est un fantastique voyage dans la Russie de la fin du XIX° siècle entre Pétersbourg-Moscou-Yalta, la Crimée etc. avec un foisonnement intellectuel incroyable d'une société parlant français, qui se cherche, s'exprime, où Tchékhov dans ses pièces reflète le visage de cette société, pour lui montrer qu'elle s'ennuie à mourir. J'en extraie quelques réflexions :
Tchékhov, sur le roman :
-Mais construire un roman, c'est une autre affaire; il faut connaître à fond les lois de la symétrie et de l'équilibre des masses. Un roman, c'est tout un palais à organiser, le lecteur doit s'y sentir à l'aise, rien ne doit le heurter, ni l'ennuyer comme dans un musée. Le lecteur a besoin de se reposer de temps en temps du héros et de l'auteur. On a recours alors au paysage, à quelque scène comique, à une nouvelle action, à de nouveaux personnages... P.81
Sur ses pièces : Les Trois soeurs, Oncle Vania, La Cerisaie, La Mouette...
-Vous dites que mes pièces vous font pleurer... Et vous n'êtes pas le seul... Pourtant ce n'est pas dans cet esprit que je les ai écrites. C'est la mise en scène d'Alexiev (alias Stanislavski)qui les rend si tristes.Je voulais seulement être honnête avec les gens, leur dire : Regardez-vous, regardez comme vous vivez mal, comme votre existence est ennuyeuse! " Il faut qu'ils comprennent, et quand ils l'auront compris, ils changeront de vie, ils construiront forcément une vie meilleure..." P.83/84
Dans la seconde partie de ce livre Ivan Bounine décrit l'effarement de cette même société, secouée après la Révolution bolchevik, dans sa diaspora à travers l'Europe, et le foisonnement intellectuel des Russes exilés.
Il décrit aussi l'amour platonique de Tchékov avec Lidia Avilova, qui retournera dans la Russie Bolchevik et y mourra en 1943.
A noter que Tchékhov a écrit un livre sur le bagne de Sakhaline, dans l'extrême pointe asiatique de la Sibérie, et qu'au retour de ce voyage à travers les steppes, il a pris le bateau, et est revenu à Odessa par la mer de Chine, l'océan Indien, la mer Rouge, la Méditerranée, et qu'il a décrit Ceylan comme un petit paradis.
C'est un bouquin vertigineux dans sa lecture à l'orée de notre XXI° siècle. Une confrontation entre un monde disparu, et le nôtre plein de vie, d'exubérance, de créativité, de science, emporté dans un tourbillon de jeunesse et de futurisme.
Une marche vers les étoiles.
Henry Zaphiratos
Ivan Bounine a eu le Prix Nobel de littérature en 1933.
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