Il y a des livres qui nous révèlent un univers, ou qui nous font approcher de très près une certitude, ou qui nous touchent très profondément, ou qui nous donnent à réfléchir. Le livre de Salinger est tout cela à la fois. C'est pourquoi j'ai mis "chef d'oeuvre". L'histoire est simple, un jeune homme de dix-sept ans se fait renvoyer du collège où il est interne, et c'est la 4° fois qu'il est viré d'un collège. Il ne fout rien, et ne respecte pas les "règles"... Il quitte le collège, n'ose pas rentrer chez ses parents, à New-York, avant la date prévue de la fin de l'année scolaire. Les 250 pages de ce roman raconte son voyage de retour pendant cette semaine, ses rencontres dans le train, dans les gares, dans les taxis, les boîtes de nuit où il atterrit, il remue ses rancoeurs contre ses copains, ses aventures... Il tente de se raccrocher à l'un à l'autre, à une copine, à une autre, claque les dollars qu'il avait récoltés pendant l'année de sa grand-mère et de ses menus travaux. Et pendant toute cette errance, il se dévoile, s'exprime, se découvre à lui-même, découvre les autres, les filles qu'il croyait aimer, qui sont sympas etc. et surtout il ne pense qu'à sa soeur Phoebé qui l'attend, à son frère Allie qui est mort jeune, à ses parents qui vont être furieux de ce nouvel échec...
Ce livre parce qu'il révêle de l'âme d'un jeune homme, de l'Amérique des années 1945,de la petitesse des "autres", des rapports superficiels entre les êtres, parfois des perversités cachées sous des abords anodins, est un chef d'oeuvre.
La traduction de Annie Saumont, de 1986, est excellente. Elle restitue le texte dans un français magnifique.
A noter, et c'est un exploit dans la littérature américaine d'aujourd'hui qu'il n'y aucune violence, si ce n'est un affrontement de jeunes collégiens. Mais il n'y a pas de coups de pistolet, pas de meurtre, pas d'explosion, pas de sirène, pas de "shériff", pas de pompom girls, pas de drogue, pas de psychanaliste, pas de traders, pas de grosses bagnoles, pas de jets, pas de femme fatale... Un drôle de roman américain quoi !
Elia Kazan s'inspirera de ce personnage pour ses films "La Fureur de vivre" et "A l'Est d'Eden", et James Dean tentera d'exprimer les troubles d'un jeune homme qui ressemble à Holden Caulfield.
Mais l'original, le héros du roman n'est pas imitable. Il est, voilà tout.
Une sorte d'oeuvre parfaite.
Henry Zaphiratos
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