Il y a dans l'oeuvre de Modiano un charme indéfinissable. On sort de ses livres avec encore dans l'oreille une musique. Il place les mots avec une élégance et une justesse qui en font des accords. Même les titres de ses romans évoquent la musique. Du Vivaldi ? du Pergolèse ?... Je ne sais pas, mais un truc très XVIII°siècle italien. Pour Le "Sabbat" de Maurice Sachs, c'est un livre magnifique, qui emporte. Il faudrait le rééditer. Il y a une maîtrise de la langue qui en fait un grand auteur. Pour ce qui est du jeu de piste de Patrick Modiano, c'est une sorte de "Jeu de l'oie" pour tenter de sortir du labyrinthe du passé. Il a transcendé ce passé, rendu attachants son père et sa mère, rendu intelligible un certain Paris, celui des derniers mois de l'Occupation, de "La Traversée de Paris"... On découvre dans l'article de Jérôme Dupuis son amitié avec Michel Audiard, sa collaboration pour "Lucien Lacombe", ses écrits dans LSD du Crapouillot. Ce qui est moins bien, c'est son auto-censure décrit par Jérôme Dupuis, ses coupes, à posteriori, dans ses livres, pour suivre la ligne de la "bien-pensance" du moment, se recalibrer, se mettre au pas, reprendre la file.
Extrait de l'article de Jérôme Dupuis. Concernant les "coupes" de Patrick Modiano :
"Coupes discrètes. Ce premier roman, paru en 1968... Pourtant, la version aujourd'hui proposée en librairie a été discrètement "rabotée" par son auteur, qui, au fil de rééditions successives, en a fait disparaître des paragraphes entiers. Ainsi cette tirade de l'un des personnages : "Les juifs n'ont pas le monopole du martyre ! On comptait beaucoup d'Auvergnats, de Périgourdins, voire de Bretons, à Auschwitz et à Dachau. Pourquoi nous rebat-il les oreilles avec le malheur juif ? Oublie-t-on le malheur berrichon ? le pathétique poitevin ? le désespoir picard ?" En 1985, ce passage disparaît. Plus tard, ce sont d'autres pages, qui auraient pu être perçues comme homophobes ou antisionistes, qui sauteront. Bien évidemment, cette "autocensure" nous en dit bien plus long sur notre époque que sur Modiano."Fin de l'extrait.
Hermès
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