Hier au soir Paris vivait une soirée d'été tropicale. Les rues autour de l'Opéra étaient gaies, les jeunes gens descendaient de la Madeleine vers la place Vendôme, les bars à vin de la dernières mode fusaient de rires et d'éclats de voix joyeuses. Tous les "dandys" performers des sociétés des quartiers d'affaires semblaient s'y être donnés rendez-vous jusque sur les trottoirs, exhibant aux passants des verres de bière et de vodka à la mode. Ils faisaient assaut de rires flatteurs, de courbettes envers leurs"chefs", celui qui les surveillent derrière son écran d'ordinateur aux heures de bureau, du 4/40, des commandes etc. C'était dans ces rue de Paris ce soir-là, comme une kermesse de détente pour eux. Ils semblaient avoir besoin de cette petite obscurité, des lampes falotes des tables, de l'atmosphère "copain" pour tenter de se mettre en valeur, de pousser des pions... Dans les rues quelques vieux beaux au volant des anciens cabriolets Triumph ou Mustang, rouge surtout, tournaient au ralenti le regard fixé sur celui admiratif des passants...
A côté, dans le gentil théâtre de la Pépinière, rue Louis le Grand (tiens l'un des rares rois qui ait une rue à Paris) Jean-Laurent Cochet, aidé par Jean-Pierre Castaldi, tentaient de redonner vie à une pochade de Sacha GUITRY "Tu m'as sauvé la vie", pièce que Guitry avait filmé avec Fernandel dans le rôle du clochard-sauveur. La pièce a bien vieilli avec son baron et sa comtesse, les domestiques, les deux téléphones, la sous-soubrette hurlante. On sentait des efforts inouïs pour redonner un peu de fraîcheur au texte, aux situations. Mais nous ne sommes plus à cette époque de la gaudriole, aux mots policés et nuancés, aux excès de franchise ambiguë. C'est une pièce des années d'insousciance avant le drame de 40; Sacha jouait dans ses meubles de style, avec ses tapisseries, ses bibelots, Jeanne Fuzier-Gyr faisait rire avec ses glousssements de pintade etc.
Jean-Laurent Cochet nous a donné ce qu'il pouvait, Jean-Pierre Castaldi (qui vient de publier ses mémoires au Cherche-Midi) a donné tout ce que sa puissance physique pouvait offrir, rappelant parfois Michel Simon dans "Boudu sauvé des eaux", l'histoire étant inversée... Comme quoi cela donne des idées aux auteurs que de voir les oeuvres des autres.
Une soirée chaude, mais agréable avec tout un monde qui joue la comédie, en vrai et sur les planches... Reste que la comédie de Sacha était pour de rire, alors que celles que jouaient dans les bars nos nouveaux petits "marquis", sous le regard inquisiteur de leurs nouveaux ducs-managers étaient de celles qui peuvent briser des carrières...
Henry Zaphiratos
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