vendredi 6 janvier 2012

LE CHOIX d'ARTE, de Jérôme Clément, Mémoires Grasset Edit. 416 pages 2011

LE CHOIX D'ARTE de JERÔME CLEMENT. Un livre bien écrit par l'un des principaux artisans de la création et du développement de la Chaîne de Télévision Franco-Allemande : ARTE (Association Relative à la Télévision Européennes). Jérôme Clément relate avec sincérité la naissance de cette chaîne à partir d'un embryon de chaîne "CULTURELLE" française et la SEPT, pour un public élitiste et restreint, prêt à accepter l'ART/ESSAI, comme au cinéma, mais à la télévision. Une Chaîne mûrie et concoctée par les dirigeants du Parti Socialiste, pour étendre le choix des téléspectateurs, les "enrichir". Jérôme Clément, énarque, placé à la direction du Centre National du Cinéma, lors de la répartition des "dépouilles" de l'ancien pouvoir de droite tombé avec VGE en 1981, qui voit l'accession de François Mitterand et de la coalition de Gauche au pouvoir, préfère se lancer dans l'aventure d'une Chaîne à lui à promouvoir... Il l'aura grâce à sa position dans le PS, l'aide de Jack Lang, Catherine Tasca etc, par la décision de François Mitterand avec qui il déjeune de temps à autre(sans, dit-il, être un "courtisan"). Le pouvoir peut tout. Les courtisans tournent comme des mouches autour de leur leader réclamant des postes, rappelant leurs services etc. L'auteur écrit, page 14 :"En 1981 le pouvoir avait été conquis, dans le sillage de François Mitterand, par de jeunes militants qui avaient passé plus de dix ans, la décennie 70, à élaborer des textes, des programmes, rêver de changer la vie et avaient vécu dans l'utopie d'une société nouvelle, qu'ils mettraient en oeuvre si la gauche était élue..." "J'étais l'un de ces jeunes gens, portés très tôt aux responsabilités du pouvoir(attaché culturel à l'ambassade France en Egypte, entre autres), et très convaincus de leur mission et de leurs idées..." fin de citations. L'auteur relate, et c'est une partie intéressante du livre, les rapports avec les responsables politiques et audiovisuels des Länders allemands, de chaînes allemandes ARD et ZDF, et signale que pour se comprendre... ils communiquaient en ANGLAIS... Il décrit les mécanismes qui se mettent en place à Strasbourg... Détestation d'être loin du POUVOIR qui est à Paris, fatigue de prendre l'avion à l'aube pour ses rendez-vous à Strasbourg... Mais Mitterand reste ferme, cela sera à Strasbourg, le siège de ARTE... 1992 Derrière les coulisses d'Arte et des programmes dirigés par Thierry Garrel avec le concours d'autres professionnels comme Pierre-André Boutang (Océaniques) c'est une grande partie du monde culturel "IN" de ces années-là qui se profile et donnera son éclat à ARTE. Il y a aussi les guerres de clans, Jack Lang contre Harris, la stupéfaction des co-associés allemands devant le laxisme et une sorte de "je m'en foutisme" financier français. On comprend sur un chapitre plus général la dette colossale initiée par VGE en 1974, creusée avec allégresse par la Gauche au pouvoir à partir de 1981, et qui atteint jusqu'aux 85% du PNB aujourd'hui ! Citation page 200 :"Mais s'y ajoutait une différence de culture entre Français et Allemands. Sans tomber dans des clichés -des Français fantaisistes et des Allemands rigoureux- il y avait une différence d'approche. Pour un Français, les textes, l'application des règles budgétaires ou comptables son essentiels, mais si ils posent TROP DE PROBLEMES, ON LES APPLIQUE PLUS OU MOINS et si ils gênent, ON LES CHANGE. Pour un Allemand, c'est inimaginable. Le budget doit être respecté, les règles appliquées et on ne plaisante pas avec l'argent" fin de citation, les majuscules sont du commentateur. A rappeler que Jérôme Clément est un énarque formé dans le sérail de la haute administration française... A noter des pages intéressantes sur l'Europe centrale et de l'Est que va démarcher Jérôme Clément, à la chute de la dictature communiste, pour des partenariat avec la SEPT grand-mère d'Arte, et qui montre le ressentiment de ces pays à l'égard de la France qui les avait lâchés à Munich, et devant Hitler... L'aveuglement sur la solidité de la Yougoslavie, où Serbes, Croates et Bosniaques se haïssaient et s'excluaient en sourdine. Que dire des guerres intestines, celle avec André Harris... Ainsi la différence fondamentale entre l'"esprit" allemand et l'"esprit" français : l'un est pragmatique, rigide, et s'en tient à la lettre aux accords "pas un sou de plus", l'accord est franco-allemand,aussi peu d'intérêt aux autres TV européennes, et le second un peu fantasque, "universaliste", qui veut tout englober, prêt à taper dans la caisse du budget, à le pulvériser... Même problème que trouve aujourd'hui le président français devant la Chancelière Angela Merkel... Comme quoi l'Europe oui, mais une Europe fédérale... au grand dam des utopistes français. C'est un livre intéressant, sincère, parfois naïf, qui met sous les yeux des lecteurs la vie intime(celle révélée) d'une Chaîne de télévision européenne, parfois tirée à hue et à dia, et qui montre le laxisme, le manque de rectitude qui prévaut dans les grandes administrations, lorsqu'on détient un pouvoir qui doit tout à la politique, d'autre part qui montre le degré de "soumission", de "navigation" d'un haut-fonctionnaire ou homme politique pour complaire au monarque républicain et à ses mandants et "exister"... A la longue cela use, et l'échine en continuelles contorsions devient douloureuse... Ces mémoires se lisent avec plaisir étant bien écrits et d'un style vif. Un côté "Sic transit gloria mundi" et "Vanitas Vanitatem" se perçoit dans une sorte de désenchantement métaphysique. Henry Zaphiratos

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