lundi 4 novembre 2013

L'amour passion de Marcel Proust et de sa maman... Extrait...

"-Mais si j'étais partie pour des mois, pour des années, pour... (me dit maman)
Nous nous taisions tous les deux. Il ne s'est jamais agi entre nous  de nous prouver que chacun aimait l'autre plus que tout au monde : nous n'en avions jamais douté. Il s'est agi de nous laisser croire que nous nous aimions moins qu'il ne semblait et que la vie serait supportable à celui qui resterait seul. Je ne voulais pas que ce silence durât, car il était plein pour ma mère de cette angoisse si grande, qu'elle a dû avoir si souvent que c'est ce qui me donne plus de force, en pensant qu'elle n'était pas nouvelle, pour me souvenir qu'elle l'aurait à l'heure de sa mort. Je lui pris la main presque avec calme, je l'embrassai et je lui dis :
-Tu sais , tu peux te le rappeler, comme je suis malheureux les premiers temps où nous sommes séparés. Puis, tu sais comme la vie s'organise autrement, et sans oublier les êtres que j'aime, je n'ai plus besoin d'eux, je me passe très bien d'eux. Je suis fou les huit premiers jours. Après cela, je resterai bien seul des mois, des années, toujours.
J'ai dit toujours, mais le soir, à propos de tout autre chose, je lui ai dit que contrairement à ce que j'avais cru jusqu'ici les dernières découvertes de la science et les plus extrêmes recherches de la philosophie ruinaient le matérialisme, faisaient de la mort quelque chose d'apparent, que les âmes étaient immortelles et étaient un jour réunies..."
Page 293.294 - Contre Sainte-Beuve.

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