dimanche 4 avril 2010

Un roman français de Frédéric Beigbeder, Grasset, 282p. 2009.

Ce n'est pas la "Rêveuse Bourgeoisie" comme l'a dépeinte Pierre Drieu La Rochelle, mais la "Fonceuse Bourgeoisie" que décrit Frédéric Beigbeder dans son roman.
Ce livre devait être écrit par un enfant terrible de notre époque. Frédéric Beigbeder qui est cet enfant terrible s'y est jeté corps et âme, sautant pardessus toutes les conventions sociales ou philosophiques de sa caste, avec son coeur gros comme ça, et sa volonté de se mettre à nu. La littérature ouvre ce champ infini du possible, et la littérature lui a offert sa puissance de portée.
"Un roman français" s'ouvre à la "La Cuisse de Jupiter". De part mes ascendants, semble dire l'auteur, je ne suis pas du commun, je descends de "Hugues Capet"(p.53)... ce qui évoque : l'oint du Ciel, les Croisades, Crécy, Azincourt etc. et permet de se hausser du col et de contempler le reste du monde en "m'as-tu vu" très Bourgeois-Gentilhomme.
Cela m'a rappelé les formules toutes faites des bourgeoises :"Ah mais, ma chère, on ne mélange pas les torchons avec les serviettes" ou "Nous, nous ne sommes pas de la crotte!" etc.
Un de ses arrières-grands-pères, Thibaud de Chasteigner, a été tué à la bataille de la Marne, comme des milliers de Français, dont Alain Fournier et ces saints-cyriens, casoars et gants blancs, partis à l'assaut.
Frédéric Beigbeder descend d'une fortune qui éclatait sur Pau,le Béarn et le pays basque, et "de la lignée des Chasteigner de la Rocheposay" (p.53)(attention ne pas confondre avec les produits dermatologiques "La Roche-Posay"! ).Il nous apprend aussi que sa jeune enfance s'est passée à "Cinjame",lire Saint-Jame,le quartier chic de Neuilly/Seine (à gauche de l'avenue Charles-de-Gaulle-La Défense(côté Bois de Boulogne), et non à droite, côté mairie considérée "prolo") jusqu'à l'apothéose de la fin du livre, d'un lancer "olympique" de l'auteur, je cite : d'"une pierre bien circulaire, plate, pas trop lourde, grise comme un nuage..." dans la mer.
Entre ces deux époques, quarante ans ont passé, De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterand, Chirac et Sarkozy. Entre ces deux époques, des changements de vie, et surtout une débauche de citations de produits de "marques" à la mode, snobinardes,roublardes, citées toutes les deux ou trois pages du livre par un publiciste, comme pour souligner leur importance "vitale" pour les gens "In" comme lui,(et les budgets de pub),et les "tourments " de l'auteur avec le "poids écrasant" de sa lignée, un père et une mère admirables qui se déchirent, un Baron qui travaillait pour "Gervais-Danone" (Antoine Riboud de BSN),un frère formidable membre de MEDEF que Sarkozy décore... Mais l'auteur est un électron "libre", Rive-droite-Rive-gauche, et, dans son existence de nomenklaturiste comblé, geek de films, de musique-funk,il observe le monde qui l'entoure, où il va évoluer dans la pub, l'édition, la presse, fréquentant les boîtes à la mode, et, après des succès fulgurants (n'écrit-il pas(page 183), être "l'un des auteurs français les plus traduits dans le monde"?(sic)), il lui advient son "Chemin de Damas". Il chute d'un capot de BMW dans le cul-de-basse-fosse du commissariat du 8° Ar.de Paris, pour usage de drogue. Puis le cul et les couilles à l'air pour contrôle(p.218) et 48h. de réflexion dans les pires conditions d'hygiène, de solitude, en position foetale pour éviter le froid. Toute son "importance" de scribouillard célèbre disparaît devant le tintement des clefs de sa cellule, toute la puissance de ses réseaux : familiaux, professionnels ou de caste, est annihilée par le blitzkrieg de l'arrestation, la durée légale de la garde-à-vue. De la cellule du 8° Arrondissement, il atterrit dans le terrifiant "dépôt" de la Préfecture de Police de Paris, dans l'île de la Cité. Et l'on se demande ce que nos dames ministres de la Justice, promptes pour les Human Rights, comme Elisabeth Guigou, Rachida Dati ont fait pour faire disparaître cette honte de la République, et ce que Mme. Alliot-Marie(du Pays Basque)va faire ?
De ce choc il va faire ce livre dont il écrit p.256 :"Toute ma vie, j'ai évité d'écrire ce livre."
Ce récit aurait pu s'appeler "Confession d'un Junky", mais "Un roman français" ça fait plus Mauriacien.
Le Prix Renaudot 2009 est venu atténuer le souvenir de ces brutales 48h.de terreur, ce passage soudain de la "Cuisse de Jupiter au chaudron de la sorcière".
Style vif.
Henry Zaphiratos

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