jeudi 4 novembre 2010

La Dictature de la petite bourgeoisie, de Renaud Camus, Privat Editions, 2005, 134 pages,19€ . Quoi ? Cette petite Cocotte ?

C'est un livre fort intéressant qui ouvre une perspective sur notre époque et sur notre cadre social et politique. Renaud Camus, qui est un penseur et un philosophe, y parle à bâtons rompus avec Marc du Saune et expose ses idées. La France avec la "dé-culturation" accélérée de sa population : enseignants, magistrats, médias, hommes politiques, financiers, commerçants, industriels, fonctionnaires, etc. est "tenue" dans le carcan d'une "dictature" de la petite-bourgeoisie. Celle-ci, humiliée, dominée, exploitée durant des siècles par l'aristocratie et la haute-bourgeoisie, se venge en "avalant" et "digérant" tout ce qui faisait l'"exceptionnel" durant les siècles passés, c'est-à-dire, le beau, l'étrange, le superfétatoire,l'extraordinaire, la préciosité, le style, le beau langage, le fantastique dans le sublime... pour ramener l'ensemble des cerveaux, de la société, de la France, au moyen, au médiocre, au nul, à la "massification" du "culturel", de la "touristika", au langage populo petit-bourgeois, à l'argot fonctionnaire, enseignant, au jargon pseudo-pyschologico-littéraro-scientifico-philosophique... bref à l'écrasement de la pyramide de la société, à son nivellement par le bas. Plus d'aristocratie ? Plus de haute-bourgeoisie ? Plus de style ? Des diplômes dévalorisés ? Des baccalauréats du niveau de l'ancien Certificat d'Etudes ? Plus de Happy few dans les musées, mais des queues fantastiques pour "dire" j'y étais ? Plus de littérature ? Des bouquins, mais pas de "livre-livre". Plus de Victor Hugo, plus de Mauriac, etc. mais des livres sur les faits du jour, les chanteurs, les pipeuls... Un monde nouveau aseptisé, sans "passé", sans "ancêtres", qui est né du jour, voilà le monde que nous montre Renaud Camus.
Parce que pour lui, c'est le monde petit-bourgeois qui a envahi et tient la société toute entière, par le truchement du gouvernement, des médias, de la "bien-pensance".
On comprend alors pourquoi le cinéma d'Art-Essai n'existe pratiquement plus, pourquoi les émissions phares de littérature passent sur France-Culture entre minuit et 6 heures du matin, pourquoi les films du Ciné-club commencent à une heure du matin, pourquoi il n'y a plus de livres écrits avec un "style" d'auteur, ils sont rejetés systématiquement par les éditeurs, pourquoi Charles Dantzig explique dans la Grande Librairie que la lecture n'éveille aucun "rêve", ou quelque chose d'approchant, pourquoi c'est le nivellement par la dictature des "marques" etc.
Alors le pouvoir pris totalement, après Mai 68, il s'est passé de mains en mains à travers les gouvernements, les administrations, le corps enseignant, les parents d'élèves, les acteurs économiques, culturels etc. jusqu'à nos jours. Le couronnement est l'adoubement de Nicolas Sarkosy par Danielle Gilbert, en 2005, lors de son avènement à la tête de l'UMP, dixit Renaud Camus.
Depuis, pas mal d'eau a coulé sous les ponts de France.
Un livre passionnant.
Mais pourquoi ne pas dire carrément que la "petite-bourgeoisie" du livre n'est autre qu'un certain "petit socialisme" ? Que la vraie "petite-bourgeoisie" d'antan, si mignonne, se donnait des airs de "grande-bourgeoisie", même d'"aristocratie", d"hobereaux campagnards" ? Qu'elle recherchait, le beau, l'exceptionnel, que des centaines d'écrivains, d'artistes, de peintres (les impressionnistes, les cubistes etc., de philosophes (Bergson, Bachelard, etc.) de scientifiques, de politiques etc. sortaient d'elle ? Qu'elle n'était qu'une "petite-cocotte" ridicule à la Feydeau ?
La dictature dont parle Renaud Camus, semble être la "dictature" de ce "petit socialisme rampant" qui a pris la France dans son corset après De Gaulle et Pompidou, avec les ouvertures à droite et à gauche, et qui aspire, à coups de petites piqûres d'épingle, insensibles, à nous anesthésier, et nous conduire vers un monde sans ambition, un monde béat. Ce monde que craignait Tocqueville, Orwell...
Un monde encadré par des adjudants à la mine faussement bonasse.
Un livre à lire.
Henry Zaphiratos

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