mardi 14 février 2012
LA DROITE FRANCAISE N'EXISTERAIT-ELLE PLUS ?, Ce qu'écrit Renaud Dély in Le Nouvel Observateur du 14-02_2012 qui prétend qu'"Elle n'existe plus"
Renaud Dély écrit dans Le Nouvel Obs :
"Si l’appel de Bayrou à la droite "humaniste" et "sociale" ne remporte guère d’écho, c’est que Sarkozy l’a éradiquée en rompant avec l’héritage de cette famille qui participait au consensus républicain.
Où est passée la droite française ? Invisible, inaudible, disparue, éparpillée façon puzzle, bref, morte et enterrée, la droite française n’existe plus. Entendons-nous bien, le sarkozysme existe bel et bien, lui. Bruyant, tonitruant, changeant. On peine de plus en plus à en saisir le sens précis, mais nous sommes saturés de sa cacophonie.
Semaine après semaine, jour après jour, presque heure par heure, nous assistons, médusés, à un véritable spectacle pyrotechnique, un tourbillon incessant au centre duquel un homme providentiel auto-proclamé sort des lapins de plus en plus gros de son chapeau sous le regard jadis fasciné, désormais effrayé, de son public. Et pan, un référendum pour faciliter la radiation des chômeurs ! Et pan, un autre pour accélérer les procédures d’expulsion des immigrés en situation irrégulière ! En attendant sans doute, demain, la mise au ban des fonctionnaires oisifs ou celle des populations allogènes et menaçantes qui peuplent nos banlieues ?
Si l’élection présidentielle se jouait au nombre de décibels, Nicolas Sarkozy serait à coup sûr élu au premier tour, lui qui confond essence du politique et buzz médiatique, et qui s’enorgueillit de ses taux d’audiences flatteurs pour oublier ses niveaux records d’impopularité…
Le pire, c’est que nul, ou presque, à l’UMP, n’ose protester franchement contre les provocations impudentes de ce chef prêt à toutes les outrances pour sauver son fauteuil. Où sont passés les hussards de la droite ? Si la gauche n’a pas, loin de là, le monopole de la rébellion, les esprits libres et frondeurs de la droite, ces tempéraments fougueux qui ont écrit les plus belles pages de cette famille politique sont désormais muets. Et tremblants. Les parlementaires UMP sont devenus les "malgré nous" du sarkozysme. Le troupeau suit son héros en traînant des pieds, et s’en va à la bataille électorale comme d’autres s’en vont à l’abattoir, comme l’a illustré cette semaine encore le rocambolesque rejet de la "TVA sociale" en commission des Finances à l’Assemblée nationale.
Pour autant, l’appel à la raison émis par François Bayrou ne reçoit guère d’écho. La droite "humaniste" et "chrétienne", comme sa branche cousine "gaulliste" et "sociale", cette droite soucieuse d’harmonie et de rassemblement, indispensable au bon fonctionnement d‘une démocratie apaisée, ne souffle mot.
Pire encore, les humiliés de la Sarkozye, martyrisés par ce chef sans égard à leur endroit, rentrent un à un au bercail : Christine Boutin, Hervé Morin, Jean-Louis Borloo, les intermittents de la rébellion rengainent leurs sabres en bois. Ils cachent leurs convictions au fond, tout au fond de leurs poches et abandonnent leurs généreux idéaux pour sauvegarder leurs médiocres intérêts.
Car le seul domaine où le chef de l’Etat aura finalement produit une vraie "rupture", pour reprendre son slogan de campagne de 2007, est sans doute le terrain idéologique. Nicolas Sarkozy n’a pas seulement tourné la page de la division de la droite en trois familles, orléaniste, légitimiste et bonapartiste, autrefois définies par l’historien René Rémond pour accoucher d’une synthèse nouvelle, il a rompu avec les référents historiques qui définissaient ce camp au nom d’une périlleuse ambition, celle d‘éradiquer "tous les tabous".
Sauf que ces "tabous" tant vilipendés sont indispensables au vivre-ensemble. Sans tabous, plus de respect, et plus d’échange démocratique possible. Résultat, sans limites ni garde-fous, le cocktail détonnant du sarkozysme se met à justifier les inégalités, entre individus comme entre "civilisations", parce qu’il érige la vie en société en compétition permanente. Il répudie ainsi l’héritage et les traditions de la droite française. Le sarkozysme n’est pas la droite, c’est autre chose, une mixture idéologique inédite, et dangereuse, qui écorne le pacte républicain et brise le consensus national érigé depuis la Libération autour du modèle social français.
Que Nicolas Sarkozy perde l’élection présidentielle, et on se rendra compte que celui qui passait pour le régénérateur de la droite française en aura été le fossoyeur…"
Par Renaud Dély
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