mardi 23 février 2010

Taï -Tuân, un disciple de Modigliani, 1918-2007

Une peinture subtile, des couleurs pastel,un trait léger mais net, Thaï-Tuân, le grand
peintre viêtnamien laisse une oeuvre vibrante, toute en nuance. Comme Modigliani, son maître, Thaï Tuân, s'inspire des longs visages et personnages du Greco (Dimitrios Théotocopoulos)qui, lui, sortait des écoles de penture byzantine et vénitiennes. Thaï Thuân continuait cette tradition en y mêlant sa profonde culture sino-viêtnamienne.
Il avait fait ses études à l'école des Beaux-Arts de Hanoï, dans les années 1940, puis avait exposé, notamment à Saïgon, où il avait remporté un grand prix pour son tableau
"Métamorphose". Thaî Tuân qui a vécu à Orléans où il travaillait, laisse une oeuvre profonde, élégante et forte à travers des portraits de jeunes femmes, de vagabonds, de paysages parfois tourmentés. Son dernier tableau symbolise le retour de sa femme au pays natal.

 
Texte de l’interview du peintre Thaï-Tuân, par René de Berval en 1957, pour Radio-France-Asie :

« …Depuis combien de temps, M. Thaï-Tuân, peignez-vous ? Où avez-vous fait vos études et quels maîtres avez-vous eus ?

      -J’ai débuté ma carrière d’artiste en 1938, alors que j’entrai en qualité d’auditeur libre à l’Ecole supérieure des Beaux-Arts de Hanoï. Je quittai cette école l’année suivante et me mis à étudier par moi-même, à l’aide d’ouvrages sur la peinture occidentale que je trouvais cà et là. Je commençai à m’orienter vers la technique, car je pensais alors que seule celle-ci pouvait mener à la réussite. Ce ne fut qu’en 1946 que je constatai combien j’avais pu me tromper, lorsqu’un camarade  me prêta deux ouvrages très importants de Benedetto Croce qui furent pour moi déterminants : le  Bréviaire d’Esthétique et De la Poésie. Une nouvelle et définitive étape s’ouvrit alors devant moi…

     -Je n’ai jamais pu exposer parce que j’ai manqué jusqu’ici de ces soutiens qui offrent les meilleures occasions. Aussi dirai-je ma gratitude à l’Alliance Française, qui a bien voulu accepter de m’offrir un asile et de me patronner.

    -Je me suis spécialisé dans la peinture à huile, car c’est selon moi, la matière la plus nuancée et la plus profonde, celle qui est donc pourvue de moyens d’expression les plus riches, et en conséquence, les plus efficace.

   -Mon but est de poursuivre mes recherches sur la peinture traditionnelle viêtnamienne, afin de pouvoir un jour apporter un modeste tribut à l’Art en général, et à l’art de mon pays, en particulier.

  -Les peintres que j’admire le plus sont au Viêtnam, Tô-Ngoc-Vân, et en France, Matisse et Gauguin.

-Quelle est votre conception de la peinture ?

  -Bien que votre question soit quelque peu embarrassante, je vais m’efforcer d’y répondre : à mon sens la peinture n’est pas l’Art en soi, avec un A majuscule, mais une de ses formes, complémentaires pour ainsi dire. Je pense que son rôle est d’exprimer ce que ne peut ni la musique, ni la littérature.

  -Quelle relation faites-vous entre la peinture traditionnelle de l’Extrême-Orient et la peinture moderne occidentale ?

  -Les liens entre ces deux expressions (de l’art) qui, jugées superficiellement, peuvent paraître dissemblables, sinon opposées, me paraissent évidents et étroits. En ce qui me concerne, la révélation de l’art occidental provoqua en moi un choc extrêmement violent. Au point que pendant un certain temps, je pensais que rien ne pouvait lui être comparé. Puis un retour aux sources vives de mon pays me donna à réfléchir : la campagne, la nature, les hommes que je vis pendant des mois, me firent comprendre la parenté étroite qui existe en tous les modes de vie, et qu’il n’y a de différent que les moyens de les exprimer. Mon rôle de peintre, d’artiste viêtnamien doit justement consister à les rechercher, et à en rendre l’expression la plus valable, la plus authentique.

  -Chaque maître a fait, au cours des nombreuses époques de l’art, dans le monde, un apport original et essentiel. Je me demande donc pourquoi les artistes viêtnamiens n’en feraient pas autant, à condition, bien entendu, qu’ils aient pris conscience de leur état et de leur rôle. Et le message viêtnamien pourrait être entre tous original en ce qu’il consisterait en la somme, la synthèse, de la raison consciente et de l’intuition subconsciente. »

 Hermès

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