mardi 8 mars 2011

"NUES" de Bénédicte Heim, 272p. Les Contrebandiers Edit. 2011, un OVNI littéraire. 15€.

Voilà un livre qui peut se continuer indéfiniment étant donné qu'il vit de sa propre substance et peut ainsi se recréer continuellement. C'est une oeuvre au-delà de la littérature, dans un monde à part, entre mode, peinture, incantation, cascade de mots jaillissant sur des rocs d'autres mots etc. Bénédicte Heim porte en elle un monde, et veut le faire connaître, ce qui est estimable, aussi nous le livre-t-elle avec une force et un aplomb hors du commun. Depuis Ubu-roi, les Dadaïstes de Tristan Tzara, peut-être "Alcools" d'Apollinaire, Paul Claudel et Peguy, les Surréalistes, nous n'avons pas eu un texte de ce genre. Un formidable laboratoire littéraire où les mots, sens et contre-sens, non-sens s'entrechoquent dans une espèce de froideur grandiloquente, détachée du réel, du charnel, du vivant, au-delà de la simple lecture. Nous sommes très loin de la littérature-robinet, de la littérature classique, du XVI°, XVII°, XVIII°, XIX°, XX°, et on comprend pourquoi cette auteure a été refusée par Gallimard-popote. C'est qu'il faut un certain courage pour affronter ces près de 300 pages, souvent redites, répétées, incantées, lissées, liftées etc. sur l'histoire ténue d'une mannequin anorexique, Maya, qui a arrêté la mode pour l'écriture, le théâtre(elle a une pièce jouée au Rond-Point), qui rencontre un peintre Peter qui veut faire le portrait d'un beau modèle. Elle propose Nina, une Lolita. Un photographe se mêle au trio. Réflexions, dissertations de l'auteure qui est une sorte d'entomologiste, qui étudie, évalue, dissèque, paraphrase, regarde ses personnages, leur peau, leurs corps, les creux, les ronds; interprète du dehors leur état d'âme etc. Il faut un certain courage pour affronter cet Himalaya littéraire.
Extrait :"...Les belles indifférentes l'irritaient et il n'avait de cesse qu'il n'ait dissous leur retenue après quoi, bien sûr, la collusion allait vers sa perte, sa totale dissolution et c'était très bien ainsi, il n'y avait pas de reste."... P.149
Ce texte démontre toute la jeunesse de la langue, toutes les possibilités qu'elle offre à un écrivain.
Il est heureux qu'un éditeur ait publié Bénédicte Heim.

Henry Zaphiratos

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