lundi 21 octobre 2013

L'Art Khmer d'Angkor au musée Guimet à Paris

Le Musée Guimet présente Louis Delaporte,  l'officier de marine qui rapporta de précieuses œuvres et des documents d’Angkor et créa le premier Musée indochinois à Paris.
En 1863 fut signé entre Ernest Doudart de Lagrée représentant de Napoléon III et le roi du Cambodge un traité de Protectorat. La France assurait la protection du royaume du Cambodge alors menacé de disparition par l'avancée des Siamois et des Viêtnamiens. Les rois du Cambodge en étaient réduits pour leur échapper à naviguer sur les eaux du Mékong et à se cacher. Grâce à ce traité, la France récupérera pour le Cambodge les province de l'ouest, celles de Battambang et de Siemréap qu'avait annexées le Siam, et qui ainsi furent restituées aux autorités cambodgiennes. Territoires où se trouvent les ruines cachées dans la jungle de leur ancienne capitale Angkor et d'autres merveilles architecturales datant du XII° siècle, époque où Surger faisait construire Notre-Dame de Paris.
Des officiers de marine français partirent sur le Mékong pour délimiter le royaume et tombèrent sur ces ruines fantastiques, oubliées même de la mémoire des Cambodgiens de cette époque. Ce sont ces officiers français qui, continuant la tradition des savants français de Bonaparte en Egypte, ont relevé la typographie et dessiné ces ruines. Dont l'officier Louis Delaporte, dont le Musée Guimet possède aujourd'hui les fabuleux moulages et les trésors que l'on peu y découvrir.
 Henry Thano Zaphiratos 
Fait suite l'article de Sabine Gignoux dans le Journal LA CROIX /
Photo RMN - Thierry Ollivier- 2012

Vue idéale d’Angkor Vat. Aquarelle de Louis Delaporte, après 1866.

Comment un jeune officier de marine, embarqué en 1866 dans une mission d’exploration du Mékong, tomba amoureux d’Angkor et consacra le reste de sa vie à faire connaître en France « cette autre forme du beau » : c’est l’histoire étonnante que raconte aujourd’hui le Musée Guimet. Depuis presque un siècle, celui-ci s’enorgueillit de posséder la plus belle collection d’art khmer au monde, en dehors du Cambodge. 
Mais le musée avait un peu oublié à qui il devait ce trésor. Il a fallu toute la passion de Pierre Baptiste, conservateur en chef des collections de l’Asie du Sud-Est, pour réhabiliter, avec le concours des descendants de Louis Delaporte, cette figure de découvreur sensible, rigoureux et désintéressé, qui dépensa sa fortune dans l’organisation de missions au Cambodge (en 1873 et 1881-1882), puis dans l’ouverture du Musée indochinois du Trocadéro dont il fut jusqu’à sa mort, en 1925, l’unique conservateur bénévole.
Dès les premières salles de l’exposition, les superbes dessins aquarellés du jeune marin reflètent son émotion à la découverte des temples khmers. Ces ruines majestueuses enfouies sous une végétation exubérante, avaient été abandonnées depuis le XVIe  siècle, à l’exception d’Angkor Vat où survivait un culte bouddhiste. 
Vue idéale du Bayon depuis l’est. Aquarelle de Louis Delaporte et H. Devérin, 1891.
Photo RMN - Thierry Ollivier - 2012
Vue idéale du Bayon depuis l’est. Aquarelle de Louis Delaporte et H. Devérin, 1891.


SES DESSINS SONT ENCORE AUJOURD’HUI DES DOCUMENTS PRÉCIEUX

Fasciné par « la conception hardie et grandiose de ces monuments, l’harmonie parfaite de toutes leurs parties », Louis Delaporte les dessina en imaginant certains éléments peu visibles et quelques détails pittoresques, comme ces majestueux éléphants, ou ce grand bassin avec une pirogue devant la porte d’Angkor Thom… 
Vue idéale du perron nord de la terrasse des éléphants. Aquarelle de Louis Delaporte, après 1890.
Photo RMN - Thierry Ollivier- 2012
Vue idéale du perron nord de la terrasse des éléphants d'Angkor Thom. Aquarelle de Louis Delaporte, après 1890.

 « Plus tard, on a dénigré son approche non scientifique, pourtant certains de ces relevés sont si précis qu’ils servent encore aujourd’hui de témoins pour les restaurations d’Angkor », souligne Thierry Zéphir, l’un des commissaires. De même, rappelle l’exposition, un site comme Koh Ker, ravagé par les pillages, serait resté incompréhensible sans les magnifiques statues sauvées par le lieutenant de vaisseau.
Désireux « d’enrichir notre musée national de ces richesses artistiques dont il n’existe aucun spécimen en Europe », Louis Delaporte, à peine revenu en France, va mettre sur pied deux nouvelles missions destinées au recueil de photographies, de dessins et relevés de monuments, mais aussi d’impressionnants moulages d’éléments d’architecture et de bas-reliefs, aujourd’hui enfin remis en lumière à Guimet. 
Bas-relief d'Angkor Vat (première moitié du 12e siècle) : détail du barattage de l'Océan de Lait.
Photo RMN - Thierry Ollivier- 2012
Moulage d'un bas-relief d'Angkor Vat (première moitié du 12e siècle) : détail du barattage de l'Océan de Lait.


LE LOUVRE REFUSE LES SCULPTURES RAMENÉES PAR DELAPORTE

Sa collecte d’œuvres originales, elle-même, est assez exemplaire. « Louis Delaporte a obtenu des autorisations des rois du Cambodge et du Siam pour emporter des sculptures. Jamais il n’a arraché une œuvre à un monument, se contentant de ramasser des statues gisant à terre. Et il n’a rien gardé pour lui », note Pierre Baptiste. Les conservateurs du Louvre, pourtant, refuseront ces sculptures trop éloignées de leurs canons classiques et les feront expédier à Compiègne. Il faudra attendre l’exposition universelle de 1878 pour que le public parisien et la presse enthousiaste découvrent enfin l’art khmer.
Bouddha protégé par le naga découvert en 1873-1874 par Louis Delaporte dans le temple de Preah Kh...
Photo RMN - Thierry Ollivier- 2012
Bouddha protégé par le naga découvert en 1873-1874 par Louis Delaporte dans le temple de Preah Khan de Kompong Svay (Fin 12e-début 13e siècle)

La ténacité de Delaporte allait lui permettre de s’incruster ensuite dans les salles du Trocadéro pour y ouvrir le musée de ses rêves. Mêlant des œuvres originales et des moulages dont de monumentales reconstitutions d’une tour à visages du temple du Bayon ou d’un porche d’Angkor Vat, ces collections allaient inspirer des monuments khmers de fantaisie lors des différentes expositions coloniales de Paris et de Marseille. 
Le parcours de Guimet rappelle que des écrivains comme Pierre Loti, des artistes comme Paul Jouve, Rodin ou Léon Bakst ont alors succombé à cette « Angkormania » qui culminera en 1931 avec la spectaculaire reconstitution d’Angkor Vat dans le bois de Vincennes, vue par 30 millions de visiteurs !
SABINE GIGNOUX

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