vendredi 14 octobre 2011

Les Français... in "Siegfried et le Limousin" de Jean Giraudoux

"Jamais nation n'a eu moins de risque de disparaître que la tienne avec ses quarante(soixante-dix) millions de lots étanches, et il faut bien avouer qu'aucune jamais ne l'égalera en sagesse et en équilibre, puisque chacun de vous, atrocement isolé des autres, arrive d'instinct aux mêmes conclusions, qui sont l'amour de la paix, du bien-être, et d'une éternité mitigée. De là vient que toutes les familles étrangères adorent avoir, comme un pot de fleurs à leur fenêtre, un ami français, plus sûr qu'un géranium. Mais, débarqué d'un pays(l'Allemagne) où l'âme ne fut jamais morcelée, ni le mensonge, ni le vice, ni la mort, je vous découvre, chacun avec votre canon paragrêle pour détourner jusqu'à l'ombre d'un nuage nouveau, privés de tous les sens. Un visage français est un masque contre tous ces fluides qui inondent l'univers, et plus ils sont nocifs, comme aujourd'hui, et abîment des peuples entiers, plus votre sourire et votre teint intérieur fleurissent. Mais le système a ses inconvénients. Dès que les lois morales du monde ne se développent plus parallèlement au germe qu'on enferme en chacun de vous à sa naissance, vous n'en êtes plus avertis, et, comme un pêcheur après un long sommeil qui retrouve les raies longues de vingt mètres et les requins gros comme des maquereaux, quand vous vous décidez à sortir de votre monade pour les guerres rhénanes ou les congrès de parasitologie, vous retrouvez les âmes des autres peuples composées d'éléments différents de la vôtre et d'une échelle différente..."
Page 54/55

Note de Jean Giraudoux sur le roman :
"Le roman a pour but d'apporter dans chaque coeur de lecteur, à domicile, par une douce pression, un balancement à l'imagination ou à la délectation sentimentale."

Aucun commentaire: