jeudi 27 octobre 2011

PRIX GONCOURT 2011 à Alexis Jénni pour son roman "L'art français de la guerre" Gallimard - 640 pages 21€

Gallimard tient le Goncourt de cette année avec "L'art français de la guerre". Ce livre très intéressant plonge dans la réalité présente (chômage-désoeuvrement-tv-agressivité permanente-émeutes de banlieue) et dans le passé des guerres (Indochine-Algérie...)que la France a menées pour maintenir son autorité sur des pays qui voulaient leur indépendance, et n'acceptaient plus la dualité de leur administration...
En cela ce livre parcourt l'histoire passée et le présent.
Deux hommes se rencontrent, un vieux capitaine à la retraite,Victorien Salagnon, qui est revenu de tout, et qui se répète : "La guerre quelle connerie!", et un jeune désoeuvré à qui il apprend par amitié à découvrir le dessin et la peinture.
Thème original, que les critiques ont relevé ainsi que la qualité de l'écriture, par un auteur qui ne reconnaît que dans la littérature, la langue, le fait d'être français.

L'auteur souligne aussi l'"état de guerre" permanent des Français. A la joie de vivre de certaines époques en France a succédé l'époque que nous vivons où les Français montrent une défiance, une agréssivité, une "brutalité" soldatesque, jusque dans les petite queue chez le boulanger... "C'est ma place !" " Non je regrette j'étais là avant vous..." sans parler des insultes au volant et autres lieux... comme devant les boîtes de nuit où s'échangent des coups de feu...

Aggressivité dans la paix et dans la guerre, dans la vie normale, dans les parts de marché à prendre etc.

Les peuples sont tous différents, chacun d'eux a une histoire, une façon de vivre, de croire, de rêver, d'accepter et de refuser... Les Anglais ont conquis et se sont installés (Canada-Australie-Nouvelle-Zélande-Afrique du sud), et quand ils n'ont pas pu, ils sont partis(Indes-Malaisie-Brimanie-Afrique). Les Français de la III° République croyaient à l'universalité du message de la Révolution, mais les peuples qu'ils administraient avaient d'autres conceptions de la vie comme au Viêtnam, Cambodge, Algérie, Afrique etc. Parfois certains intellectuels comme Kieu Samphan ou Pol Pot, sortis des universités françaises sont devenus des monstres, les Khmers Rouges, d'autres comme Bourguiba ont tenté de transformer leur pays...

Comme le dit l'auteur : "On n'apprend pas impunément la liberté, l'égalité, et la fraternité à des gens à qui on les refuse." Mais était-ce totalement vrai ? Il n'y avait pas d'apartheid, pas de ségrégation, les lycées collèges étaient ouverts à tous, les lois et coutumes des peuples étaient respectées, comme les souverainetés des états de protectorat etc. Ce qui fait qu'à l'indépendance les états étaient intacts : Royaume du Cambodge(sauvé de la main-mise du Siam notamment sur les Temples d'Angkor), Royaume du Maroc, Empire du Viêtnam, République de Tunisie etc.

Dire qu'Hanoï était le chef-lieu de l'Indochine, comme le dit ce capitaine arriéré et peut-être raciste, c'est ne pas savoir que cette ville était la capitale fédérale
de l'Indochine, que Hué était la capitale impériale du Viêtnam(Annam), que Phnom-Penh était la capitale du royaume du Cambodge etc.

On pourrait ajouter que toutes les révolutions, dont la Révolution bolchevique de 1917, ont été faites à travers la Révolution française, qui en a été l'acte fondateur.

A noter un grand travail d'archiviste de l'auteur, repartant des récits de Lucien Bodard, de Jean Lartéguy, Roger Delpey, des journaux de marche des bataillons du Corps Expéditionaire en Indochine, des documents historiques des archives militaires, les journaux d'époque...il resuscite des combats oubliés, des guet-apens,des morts inutiles... Des guerres que les Français ont gommés de leur mémoire.

On peut se féliciter de la qualité de ce livre, qui se lit d'une traite, et constater une fois de plus le masochisme français de l'auto-flagellation.


Hermès

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