Par Valérie Sasportas
Mis à jour le 21/10/2011 à 17:43 | publié le 21/10/2011 à 17:26
Leptis Magna
La guerre a épargné les sites culturels, selon l'Unesco qui organisait le 21 octobre une réunion d'experts sur la préservation du patrimoine libyen.
Il n'y a pas eu de «génocide culturel». Après des mois d'un conflit qui s'est achevé jeudi 20 octobre, avec la mort de l'ex «Guide» Mouammar Kadhafi, «nous avons reçu de bonnes nouvelles : il n'y a pas eu de dégâts majeurs sur la plupart des sites culturels du pays», a déclaré le 21 octobre Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco, à Paris, lors de l'ouverture de la conférence d'experts réunis en urgence par l'organisation onusienne, pour la préservation du patrimoine culturel dans le pays. «Leptis Magna, par exemple, a été globalement épargné par le conflit. C'est d'abord grâce aux populations alentours, qui même dans les moments les plus difficiles, se sont mobilisées pour les protéger», a précisé la directrice. Ce colloque était prévu depuis plusieurs semaines. Mais la fin du colonel et la chute de Syrte, son dernier bastion, ont donné à l'événement une importance particulière.
«C'est maintenant que la Libye doit être aidée. Sinon, on risque d'avoir des pillages, comme en Afghanistan et en Irak. Les populations locales ne sont pas toujours conscientes de la richesse de ce patrimoine qui s'étend du Sahara jusqu'à la Méditerranée», affirme Francesco Bandarin, sous-directeur général pour la culture de l'Unesco. Les «bonnes nouvelles» sont venues du Bouclier bleu, l'organisation internationale en charge des sites du patrimoine culturel, aux termes de la Convention de La Haye de 1954, pour la protection des biens culturels en cas de conflits armés. Ses experts se sont rendus fin septembre en Libye. Si les experts de l'organisation ont pu inspecter les principaux sites, «il faut encore évaluer le sud, la région du Djebel Neffousa, mais aussi Sabrata, cette grande ville de la Tripolitaine. Nous n'avons pas d'idée précise de ce qui s'est passé là-bas, à cause du manque d'informations», a souligné Francesco Bandarin.
L'information est principalement venue des forces de l'Otan. «Nous avons été en contact permanent avec les États engagés dans l'action militaire et le secrétaire général de l'Otan. Nous leur avons fourni les coordonnées géographiques précises et les cartes des sites protégés du Patrimoine mondial», a souligné Irina Bokova.
Il s'agit du premier résultat concret d'une telle coopération. D'où ce prolongement : «Nous avons fait en sorte que l'Otan organise un cycle de formation à la protection des sites culturels, à Vienne, du 22 novembre au 2 décembre prochain», s'enorgueillit-on, à l'Unesco.
Un «crime» qui rapporte «13 milliards d'euros par an
Mais toutes les nouvelles ne sont pas bonnes. «Une mosaïque a été détruite à Cyrène. Trois amphores romaines ont été volées au musée d'Apollonia. Surtout, le vol du trésor de Benghazi est un cataclysme. C'est l'un des plus grands vols de biens archéologiques de l'histoire», s'est indigné Francesco Bandarin. Huit mille monnaies anciennes d'or, d'argent et de bronze, des pièces archéologiques : le trésor sommeillait dans une caisse entreposée à la Banque nationale du Commerce de Benghazi, où le département des Antiquités de Libye les avait déposées. Le professeur italien Serenella Ensoli, qui a dévoilé le pillage, a fait le voyage de Naples à Paris. «Il faut aller à la Banque de Benghazi au plus vite, voir ce qu'il reste de cette caisse, a-t-elle appelé. La chercheuse est inquiète. «Il n'y avait pas de document visuel inventorié par l'Italie entre 1940, année où l'ancienne colonie a emporté les pièces et 1961, quand elle les a restituées». Serenella néanmoins possède bien quelques images des pièces disparues, des photos floues. Karl Heinz Kind, chef de l'unité des biens culturels d'Interpol se veut optimiste : «Nous avons reçu des Carabiniers des informations que nous avons pu entrer dans la base de données mondiale d'Interpol. J'espère que cela rendra difficile la vente sur les marchés».
Reste que la Libye, seule, ne pourra pas lutter contre le trafic d'art organisé. Le fantôme de Bagdad, dont le musée fut vidé de plus de 15 000 pièces archéologiques, hante les mémoires. L'Irak, depuis la fin de sa guerre, est devenu la première «source» de ce «crime» qui rapporte «13 milliards d'euros par an», pour reprendre les mots de Francesco Bandarin. Saleh Al Agab Abdallah, directeur du département des antiquités de Libye, tire la sonnetet d'alarme : «Notre institution est encore coloniale. Nous la voudrions post-coloniale. Beaucoup de sites archéologiques ne font l'objet d'aucun plan de gestion. La Libye n'a absolument aucune infrastructure pour la protection du patrimoine. Tout se fait avec les missions étrangères». Pour aider la Libye, vendredi, Irina Bokova a annoncé la création d'une présence permanente à Tripoli de l'Unesco.
In Le Figaro
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire