dimanche 7 avril 2013

A propos du style...


«La douceur des choses»

Arnaud Le Guern.
Arnaud Le Guern. Crédits photo : DR
«De Gaulle, qui aimait le champagne de la maison Drappier et BB dans l'œil de Vadim, n'en reviendrait pas. Il s'agit aujourd'hui, en France, d'être “ normal ”. Surtout pas de flamboyance ni d'excès quel que soit le domaine: politique, vie quotidienne, art. Le cinéma nous raconte rien sur presque tout. La musique télé-crochette. La littérature? Une pincée d'Hessel et une infusion de Delacourt avec, entre les deux, Angot pour rigoler. Si le style français - alliage de légèreté, de panache et de mélancolie - a du plomb dans l'aile, il ne lâche pourtant pas prise. Au hasard d'une rediffusion dePlein soleil, Alain Delon et Maurice Ronet rivalisent d'ivresse farceuse dans les rues de Rome. Ailleurs, en bord de mer, une jeune fille ouvre un roman dont la première phrase tient au cœur: “ Sur ce sentiment inconnu, dont l'ennui, la douceur m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse. ”.Les mots et les héroïnes de Françoise Sagan, blondes comme Caroline Chérie ou brunes telle une apparition d'été dans un film de Rohmer nous incitent à prendre garde à la douceur des choses. On se croirait dans un poème de Toulet ou de Pierre de Régnier: petits luxes, éclats d'âme et volupté. Les grands vivants ne meurent jamais, comme le style français qui, définitivement, ne se conjugue pas au passé. La preuve? L'exquise silhouette belge de Virginie Efira, les entrechats d'Aurélie Dupont, un roman mexicain de Patrick Besson: Puta Madre...»
Arnaud Le Guern, essayiste et écrivain: Dernier ouvrage paru:Une âme damnée: Paul Gégauff(Pierre Guillaume de Roux)

Arthur Dreyfus.«Prendre le temps de dire»


Arthur Dreyfus, écrivain, comédien et scénariste. Dernier ouvrage paru:Belle famille(Gallimard).
«Attribuer une nationalité à un style, c'est renier la belle idée d'une diaspora miraculeuse, dépourvue d'histoire officielle, de morphotype, de références ou de langage communs, qui serait celle des écrivains. D'un bout à l'autre du monde, une page (la première) suffit à l'écrivain pour reconnaître un de ses pairs. C'est quelque chose qui accroche, qui a un goût: une absence de tain, la négation du regard fixe sur les choses. Si cette négation rassemble les livres qui comptent, c'est peut-être sa cadence qui varie d'une culture à l'autre: une identité, c'est un rapport au temps. En France, au creux du Vieux Continent, nous prenons celui de dire les choses. Les écrivains que j'aime ne “ racontent ” pas: à la lettre ils s'expriment. De Renard à Montherlant, de Stendhal à Guitry, de Molière à Guibert, de Villon à Proust, il semble que leur fin, en dépit des moyens multiples, reste la même: dire le mieux qui nous sommes. Ce n'est pas un hasard si nos grands auteurs sont aussi, ou d'abord, des mémorialistes: se photographier par le texte, c'est échouer à considérer l'écriture comme un simple outil. Moins qu'une manière de dire, le style français dit sa manière. Notre langue compte peu de mots, sa syntaxe se fige aisément: la maîtriser n'équivaut guère à la gravir, mais à l'attaquer - tout en adorant ses contraintes. Et comme le Français n'est pas simple (sinon, que dirait-il en se disant?), on prendra soin, bien sûr, de mépriser l'écrivain qui “ fait du style ”.»
Cf.Le Figaro du jour

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