lundi 30 mai 2011

"Mon Oncle" de Jacques Tati, un pur chef-d'oeuvre offert par ARTE

Ce soir Arte nous a offert la rediffusion de MON ONCLE (1958), un film qui ne s'oublie pas et qui respire le souffle de son créateur Jacques Tati. Une oeuvre d'une rare beauté mêlant le monde qui s'achève au monde futuriste dans lequel nous vivons. Un monde construit sur les ruines de l'autre,et créateur de déshumanisation, d'artificielité. Jacques Tati était un grand artiste doublé d'un grand philosophe. Il nous expliquait le monde qui venait, où il n'y avait plus de place pour la civilité, l'attention à l'autre, mais où la machine sans coeur remplaçait l'homme. Chaque scène du film est un message et parle avec la voix de Tati. La bicoque sur le toit d'un vieil immeuble, le balayeur des rues, les joueurs de cartes, les arpenteurs de bistrot, les chiens heureux de leur liberté quand ils l'ont faussée aux hommes, le petit neveux qui s'emm. avec son père plongé dans le modernisme et son usine, sa mère, merveilleuse Adrienne Servantie (la mère dans "Les Nymphettes"), qui joue avec les boutons de sa cuisine robot, la porte du garage... sa voisine, bourgeoise chochotte du XVI°... Tout est pensé, rythmé pour que l'image et la musique-prodigieuse de Claude Bolling- qui reste dans la tête et revient sans cesse, comme celle d'ailleurs de "Jour de fête", Vraiment une oeuvre complète, achevée avec le voile léger qui vient entre nous et l'écran, qui flotte imperceptiblement au zéphyr, à la fin du film. Nous mesurons combien nous avons perdu dans cette transformation du monde qui est passé, progrès et multitudes obligent, de l'ère du Solex à celui des grosses cylindrées, de la bouffe familiale à la bouffe calibrée. de M. Hulot de Jacques Tati à M. Hulot d'Ushuaia, de la simplicité à l'environnement.
On ne peut revenir en arrière, mais on peut garder le regard de Jacques Tati sur son prochain, sur nos amis les bêtes, sur nos maisons, notre habitat, sur une certaine liberté qui meurt chaque jour un peu plus, une certaine courtoisie de gentilhomme.
L'un des plus beaux films du monde, qui laisse Jacques Tati auprès de nous.

Henry Zaphiratos

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