lundi 18 juillet 2011

Mémoires N°2 de Jacques Chirac-LE TEMPS PRESIDENTIEL- NIL Edit. 610p. 2011

C'est un livre très intéressant à tous points de vue. Il est nécessaire à toute personne qui vit de, ou s'intéresse à la politique, et ouvre les yeux à tout électeur potentiel.
Il intéressera particulièrement les militants, de quelque bord qu'ils soient, les étudiants en droit, à Sciences Po, à l'E.N.A., ainsi qu'à toutes les grandes Ecoles, dont les "sortants" vont faire une carrière élitiste, et les hauts fonctionnaires, préfets, sous-préfets etc.
En effet, Jacques Chirac a ouvert un très large panel dans ce qu'il a voulu dire, au-delà de la langue de bois, il dit d'un chat que c'est un chat. Il a réuni toutes les notes de son agenda présidentiel, soigneusement tenu par son secrétariat, mais il les commente sans détour, sans périphrase. La part de l'ombre en étant exclue.
Le premier enseignement :
L'ambition majeure est la prise de pouvoir. Comment réunir sur son nom la majorité des suffrages, simplement parce que l'on est persuadé que l'on est le meilleur, que l'on y croit ferme, et que les "autres" ne sont que des lieutenants chargés de réunir la valetaille des électeurs. L'épisode "Balladur" lui reste en travers de la gorge, c'était un lieutenant, un marche-pied, et voici que celui-ci "trahit" etc. on connaît la suite.
Le second enseignement :
Une organisation à toute épreuve pour remettre les lieutenants récalcitrants dans le rang de la "majorité" à constituer, cela sera l'oeuvre notamment de Jérôme Monod.
Le troisième enseignement :
Quand on est élu, c'est de manoeuvrer en douceur pour ne pas effaroucher l'électeur.
La marge de manoeuvre de toute façon est étroite, surtout quand la croissance n'est pas là. Un petit point et c'est une bascule de quelques milliards. Les correcteurs de Bercy sont là pour alerter... mais parfois on n'en tient pas compte... ça réussit ou ça craque...
Le quatrième enseignement c'est l'importance des sondages. la vie politique du président, du premier ministre et du gouvernement est rythmé par les sondages. D'où l'extrême importance de l'opinion publique... Ce qui explique toutes ces enquêtes avant les décisions pour la SS ou le reste, la création de commissions, de bureaux d'études,etc. le tout pour surfer en douceur sans plonger.

Mais on ne demande pas l'avis des sondages pour les opérations "extérieures", guerres, traités etc.

Quand on se plante comme pour la "décentralisation" c'est la Gauche qui rafle la mise de 24 régions sur 26 !(Page 485), défaite due aussi aux 200.000 demandeurs d'emploi de longue durée virés de l'Unedic par une mauvaise manoeuvre! Due aussi à la réprobation de l'opinion publique devant l'hécatombe de personnes âgées provoquée par une mauvaise gestion de la canicule de 2003. P.486. etc.

En conclusion gouverner = surfer sur les sondages pour "survivre"
Autre astuce aussi : créer des "bidules" (style La Halde)pour faire croire que l'on fait quelque chose, car il faut à tout prix occuper le terrain( sans faire trop de vagues).

C'est dans le domaine de la politique extérieure que le président peut agir à son aise. Mais là, il se heurte aux ambitions, aux politiques des autres présidents ou chefs d'Etat, et parmi ceux-ci du président des Etats-Unis, comme par exemple G.W.Bush avec son Axe du "mal", sa volonté de créer un Grand Moyen-Orient partant du Maroc à l'Irak, en passant par la Syrie...
Ses vues, Jacques Chirac les expose avec clarté, elles continuent pour la plupart la politique traditionnelle de la France.

Il y a quelques pages émouvantes, celles qu'il consacre à son ami Rafic Hariri, porteur de l'espoir d'un Liban libre, dégagé de l'emprise de Bachir al-Assad, le même qui massacre aujourd'hui ses opposants en Syrie...

L'auteur développe aussi dans son livre ses idées sur la Mondialisation, qu'il considère comme une fatalité nécessaire, ainsi que l'Euro. Il raconte ses contacts avec le leader chinois Jiang Zemin, grand admirateur de notre pays, ceux avec Boris Eltsine, Poutine, G.W. Bush, Mandela... les G 7, G 8, G 20 pour faire avancer ses idées de taxe pour aider le tiers monde etc. Ces "G" étant de grands centres à palabres, des clubs pour grandes puissances.

A noter cette incroyable phrase du bouquin, page 407, extrait (au président G.W. Bush): "tandis que je lui rappelle les méfaits de la colonisation sur des populations dépossédées de leur culture et auxquelles nous avions imposé notre religion, le président des Etats-Unis se fera un malin plaisir de répondre : "Speak for yourself, Jacques".
Comme si le président des Etats-Unis n'allait pas comprendre que Jacques Chirac sous-entendait les massacres des Indiens des Etats-Unis !

(On espère que Jacques Chirac ne regrette pas que les Aztèques aient été dépossédés de cet aspect de leur religion qui leur faisait arracher le coeur vivant de millier de jeunes filles et jeunes gens, et d'esclaves pour l'offrir à leurs dieux ! et que certains autres peuples aient pratiqué le cannibalisme...(Wikipédia))

A noter que les deux tiers des personnages cités ont quitté la vie politique, et que Jacques Chirac, dans sa demi retraite, semble observer avec minutie la vie politique présente... L'animal politique ne dort que d'un oeil. Gare à ses coups de griffe.

Cependant, en conclusion, ce qui est presque tragique c'est la sensation en lisant ce livre de l'instabilité du pouvoir politique en France et de sa grande vulnérabilité.

Ces Mémoires se terminent par deux chapitres intéressants :
L'un concernant les "Arts Premiers" qui seront valorisés par le Musée du Quai Branly,et continuant l'intérêt que les Impressionnistes, les Surréalistes et André Breton, les collectionneurs portaient à cet art.
Le second est une sorte de testament politique, où Jacques Chirac redit son opposition totale à la droite extrême, chauvine, raciste, rétrograde etc. et valorise les grands piliers de l'industrie française : EDF-SUEZ-AREVA-SNECMA etc.

Un livre à lire.

15/20

Hermès

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