vendredi 3 juin 2011

Palais hanté par un fantôme - Les anges et le destin - Extrait - roman.

"La femme du président de la République l’accueillit.
-Cher professeur, veuillez nous excuser de vous avoir fait tant attendre, dit-elle,
Professeur, puis-je vous demander que notre entretien reste secret ?
-Madame, j’aurai tout oublié dès que j’aurai franchi le seuil de cette porte.
-Je vous en remercie, monsieur le professeur. Voici pourquoi nous vous avons demandé cette entrevue. Le président fait depuis plusieurs nuits le même rêve. J’ai contacté, discrètement, plusieurs oniromanciens et onirologues.
Chacun en a eu une interprétation très différente aussi je voulais votre opinion.
-Mais, madame, je n’y connais rien en matière de divination de rêve. Depuis la nuit des temps on cherche à les déchiffrer, mais c’est en vain. Les rêves gardent leur secret.
-Monsieur le professeur, il s’agit d’ange, et ma fille m’a appris
que vous travailliez actuellement sur ce thème.
-Mais ce n’est qu’une étude à partir de légendes et de mythes religieux sur la Métamorphose des Anges.
-Mais la part du vrai et du faux ? La part du réel et du surnaturel ?
-Comment le savoir, madame ?
-Mais vous vous êtes bien fait une opinion ? Je sais ce qu’il y a d’incongru à notre époque que de penser que tout cela peut interférer sur nos existences. Mais les faits sont là, et ils sont troublants. Le Président depuis plusieurs semaines est visité dans son sommeil par un être qu’il ne peut définir, homme ou femme, androgyne ? Celui-ci l’observe en silence. Mais dès que le Président tente de l’approcher pour l’interroger, l’être se dérobe, et brusquement vient sur lui et se fond en lui.
Et fait troublant, mon mari prétend que la semaine dernière, jeudi dernier exactement, un jeune mi-homme, mi-femme, disons un androgyne, très élégamment vêtu est entré dans son bureau et s’est entretenu avec lui un long moment sur un sujet dont il ne se souvient plus, mais qui lui paraît avoir un rapport avec ce songe. Le Président, fait étonnant, n’a pas été surpris par cette visite. Il m’a même dit qu’il l’attendait ! Puis, cet entretien achevé, il l’a raccompagné jusqu’à la porte de son bureau, et l’androgyne a disparu tout d’un coup.
Ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que lorsque le Président a demandé à sa secrétaire le nom de ce visiteur, celle-ci lui a répondu qu’elle n’avait vu personne ! L’agenda du président ne mentionnait pas cette visite. Enquête faite auprès du chef du cabinet, du chef du protocole et du colonel de la garde, personne n’était venu ce jour-là, à cette heure-là !
Le lendemain, le Président recevait une lettre mystérieuse…
-Signée Uriel et Nouriel.
-Comment le savez-vous ?
-C’est le préfet qui est venu me chercher qui…
-Voilà comment on divulgue un secret d’Etat ! bondit la présidente.
-Mais je n’en connais pas la teneur, la rassura Suchnick.
-Venez ! lui dit-elle.
Le regard de Suchnick se fixa sur les élégantes chaussures de la présidente pendant qu’il la suivait à travers les salons.
-Lequel de vos collaborateurs a été dire, urbi et orbi, que vous aviez reçu cette missive signé Uriel et Nouriel ?
Le président de la République se retourna surpris par l’irruption de son épouse.
-Monsieur le professeur Suchnick vient de me l’apprendre ! Lui-même en a été informé par le préfet envoyé à sa rencontre.
-Mais je tombe des nues ! Qu’est-ce que c’est encore que cette histoire ? Le président se leva brutalement et se dirigeant vers la porte-fenêtre donnant sur le parc, comme il en avait l’habitude lorsqu’il était saisi d’une grande agitation.
-Ah, ils vont en faire des gorges chaudes au Canard enchaîné !
-Le Canard enchaîné vous n’avez que ce titre là, à la bouche ! Mais où est la sécurité de l’Etat ? Nous n’avons pas encore
déchiffré ce message qu’il va être révélé au public, intervint la présidente.
-Il faut empêcher ça !
Le président appela le ministre de l’Intérieur au téléphone.
-Merci pour la discrétion ! Dis-donc, quel est le con que tu as envoyé pour chercher cet expert en ange…ge… ?
-Angelologie, souflla Suchnick.
-Angelolographie... quoi ? quoi ? Tu n’en sais rien ? Demande à ton chef de cabinet… j’attends…, le président pianota d’impatience, foudroyant du regard sa femme et Suchnick.
Au bout de quelques instants un nom lui parvint.
-Bruneau ? Tu me fous en cabane ce gazier-là pour quelque temps !
-Chandon !
-Monsieur le Président ? Une tête apparue derrière une porte.
-Tout le système de sécurité de l’Elysée, c’est de la merde ! Le moindre coup de téléphone, la moindre conversation se retrouve dans les états-majors du monde entier ! C’est une boutique de verre, ici !
-Mais, monsieur le Président, la Sécurité a fait tous les tests. Rien ne filtre vers l’extérieur…
-Baratin !
Le président furieux claqua la porte.
-Vous !
-Moi ? balbutia Suchnick.
-Venez avec moi !
Suchnick suivit le président dans le couloir qui conduisait à un ascenseur devant lequel était posté un garde républicain.
Suchnick tenta un mot pendant la descente, mais le président d’un geste catégorique le fit taire.
Dans les sous-sols de l’Elysée, ils traversèrent une série de bureaux ultra modernes où des officiers en plein travail, claquèrent des talons à leur passage, et pénétrèrent dans un vaste bureau bunker.
-Monsieur le Président… risqua Suchnick.
-Pas encore, lui dit celui-ci, qui fit signe qu’on referma la porte blindée et qu’on les laissa seuls. Puis il passa sa main sur une zone d’onde du bureau pour isoler totalement la pièce des rayons.
-Maintenant, allez-y, mon vieux.
-Monsieur le Président, je ne comprends pas : on m’a envoyé chercher pour une histoire d’ange, votre épouse m’a parlé de rêves et d’une visite aussi…
-Exact ! Qu’est-ce que vous en pensez ? Les mâchoires du président claquèrent faisant saillir les muscles de ses maxillaires.
-Du plus loin que l’on remonte dans l’histoire de l’humanité…, commença Suchnick, en joignant les doigts, l’air pénétré comme pour un cours magistral.
-Abrégez !
Suchnick pris de panique rassembla ses idées pour une rapide synthèse.
-Pour les croyants, les anges sont les messagers de Dieu…
-Je sais cela. Ecoutez, je vous ai fait venir parce que mon épouse et ma fille sont inquiètes. Si vous savez quelque chose, éclairez-moi, épargnez-moi les généralités. Voilà ce qui m’importe c’est :
a) de comprendre pourquoi l’un d’eux vient me visiter la nuit
depuis plusieurs semaines,
b) quelle interprétation donner à sa façon de m’observer et soudain de foncer sur moi ?
c) que veut dire la visite incroyable de ce jeune mi-homme mi-femme ?
-Voilà, vous voyez que vous y venez, Président ! C’est un message que l’on veut vous transmettre.
Peut-être que quelque chose se prépare, contre votre personne ou contre l’Etat, et, On vient vous en avertir, comme lorsque l’ange de la Bible est venu annoncer à Agar, la servante chassée par son amant, qu’elle mettra au monde un fils qu’elle appellera Ismaël, le demi-frère d’Israël, comme aussi dans l’Annonciation, l’ange Raphaël…
-Vous y croyez vous, à tout ça ? dit le président sarcastique.
-C’est que… je n’ai pas d’avis personnel, je ne suis pas devin, monsieur le Président…
-Allons, allons, vous avez bien une idée quand même !
La grosse voix du président choqua Suchnick dont le pouls s’accéléra. Il en eut soudain assez d’être ainsi secoué.
-Mais oui j’ai une idée ! Toute l’histoire de l’humanité est une marche en avant à travers les siècles. À diverses époques il y a un affrontement entre des forces négatives et des forces positives, chacune voulant dominer le monde. À tour de rôle, vous constatez le triomphe des unes, puis des autres, mais toujours dans un mouvement ascendant jusqu’à l’instant où nous sommes arrivés, aujourd’hui, à la veille de la conquête des étoiles.
-Et alors, que viennent faire ces rêves et cet inconnu, dans votre théorie ?
-Une modification.
-Qu’entendez-vous par là ?
-Le souffle de l’aile de l’ange ou du surnaturel, si vous voulez, influe imperceptiblement sur la destinée de l’homme, comme cet infime battement d’aile du papillon qui peut déranger l’ordre du monde. Si vous croyez au surnaturel, quelque chose se trame et on vient vous avertir pour que vous tâchiez d’influer pour éviter quelque drame peut-être apocalyptique.
-Apocalyptique ? Comme vous y allez !
-Président, prenez garde ! Chaque fois qu’un peuple, ou que l’humanité aurait pu être englouti dans quelque abîme, un léger coup d’aile d’un ange, ou du destin, a fait dévier le cours fatal des événements. Songez au Projet Manhattan. Les nazis auraient pu avoir la bombe atomique, et parvenir à leurs fins, et écraser le monde sous leur domination. Songez que la Bombe A aurait pu armer leurs V1 et leurs V2. Londres et l’Angleterre n’existeraient plus ! Il a fallu l’imperceptible bruissement d’une aile, et c’est le monde libre qui a triomphé. Songez à la France, elle aurait pu mourir sans les voix de Jeanne d’Arc, aux Etats-Unis d’Amérique qui aurait pu retomber sous la domination britannique sans l’intervention de la flotte française à Yorktown. Je pourrais vous citer de nombreux cas de ces coups d’aile du destin qui se sont produits ex-abrupto, à l’ultime moment.
-Mais ces anges, ou ces êtres surnaturels n’ont pu protéger les Amérindiens, des prédateurs européens, là, il n’y a pas eu de battement d’aile, que je sache !
-Mais Président, peut-être que leur survie comme celle des peuplades oubliées de la jungle de Papouasie, ou de l’Amazonie, ne l’a été que grâce à ce battement du destin !
Le Président le considéra avec attention et lui désigna une
lettre sur son bureau.
-Et ça, qu’est-ce que vous en dites ?
Suchnick se pencha et déchiffra :

-N’y touchez pas, lui souffla le Président qui s’était approché. Tenez voici la copie de ce texte.
-Merci, dit Suchnick en la prenant. Il se souvint de ce que lui avait dit le préfet. Cette feuille était constituée d’une matière inconnue.
-Elle est arrivée après la visite de ce jeune homme, n’est-ce pas ?
Le président acquiesça.
-Par simple courrier, ajouta-t-il.
-C’est du latin en caractères grecs : « Sum corpus ionicus », Je suis un corps ionique.
-Mais qu’est-ce que cela veut dire ?
-C’est un message « numineux » ou si vous voulez, « surréel». Il parle probablement des ‘ions-particules’, et, ajouta Suchnick, c’est signé Uriel, l’ange de la lumière, et Nouriel, celui du feu.
-Démerdez-vous, mais décryptez-moi ça, et vite !
-Président ! Une dernière question : avez-vous senti un parfum émaner de ce jeune inconnu ?
Le président réfléchit un instant perplexe.
-Oui, peut-être, mais très subtil…
-Labile…
-Maintenant que j’y pense, cela m’a procuré une profonde impression de bien-être.
-L’odeur suave des dieux et des élus, murmura Suchnick." ...

Copyrights 2007/2011 Henry Zaphiratos - Extrait de "La Conjuration des Anges" P. 246 à 253

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